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Nice Côte d'Azur Bon Appétit, Messieurs ! CRITIQUE GASTRONOMIQUE - Les mémoires décapantes d’un critique gastronomique.

À la lecture de « Bon Appétit, Messieurs ! » (Grasset) de Léo Fourneau, ancien critique gastronomique à Elle, certains grands chefs ou critiques culinaires risquent de s’étrangler. Durant 15 ans, ce journaliste a exercé, en toute probité, ce « métier de rêve » dans l’anonymat que lui offrait son pseudonyme de Léo Fourneau, en payant son addition, sans céder (ou presque, ironise-t-il) aux modes, aux coteries aux pressions du milieu bien particulier de la cuisine française.

Ces « mémoires » d’un gourmet, un tantinet acerbes, ne cherchent pas à régler des comptes. Elles permettent de comprendre, souvent avec nuance, pour quelles raisons la cuisine française qui est chère à tous, n’est plus aussi brillante aujourd’hui qu’elle aimerait le faire croire. Le premier chapitre « Il n’y a pas de critique gastronomique honnête » donne le ton. Léo Fourneau décrypte les petites et grandes « combines » de certains de ses collègues critiques, lesquels, en se présentant comme tels dans les restaurants, sont soignés « aux petits oignons » tandis que le client, anonyme n’a pas droit à un tel déploiement de savoir-faire culinaire.

Des critiques célèbres se font parfois piéger par l’espièglerie de certains maîtres queux. L’auteur prend l’exemple de Bruno Cirino, qui est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes de la cuisine méditerranéenne, inspirée du terroir provençal et italien. Ce chef qui a deux étoiles au guide Michelin, à l’époque où il officiait à Éze, s’était amusé à piéger Christian Millau.

« Au lieu de lui servir le bar annoncé sur la carte, il cuisina du cabillaud. Bien que les deux poissons n’aient ni la même chair ni le même goût, notre célèbre critique ne s’aperçut de rien et félicita le chef pour son excellent bar ! ».

Avec humour, Léo Fourneau égratigne le mythe des guides gastronomiques qui n’ont pas la possibilité matérielle de tester toutes les tables qu’ils répertorient. Les auteurs des guides doivent parfois se contenter des questionnaires remplis par les établissements ! Pour faire croire au lecteur qu’il achète un nouveau guide d’une année sur l’autre, les commentaires sont changés et les informations pratiques réactualisées. Certains auteurs se prennent à leur propre piège. Léo Fourneau cite le cas du millésime 2006 d’un guide réputé. « Si on y vérifie les dates auxquelles les repas ont été pris on s’aperçoit que l’équipe du guide a parfois mangé jusqu’à dix fois le même jour, pis qu’ils ont réussi à tester des restaurants le jour de leur fermeture ! ».

Rien n’échappe à la sagacité de ce gourmet qui reconnaît, par ailleurs, des qualités propres à certains guides. Sa plume est souvent acerbe mais « Bon Appétit Messieurs ». ! n’est pas un brûlot. L’amour qu’il voue à la gastronomie éclaire le récit. Il loue en particulier la qualité de chefs qui ont érigé en art la cuisine niçoise et provençale : c’est le cas de Jacques Maximin qu’il surnomme affectueusement « Le grand Jacques ».

Après s’être livré à une pertinente analyse de l’éternelle querelle entre les Anciens et les Modernes en matière culinaire, du Moyen âge à nos jours en passant par la très controversée « nouvelle cuisine », Léo Fourneau ne craint pas de tordre le coup au mythe de la gastronomie française.

Il explique, avec forces détails, que l’art culinaire français n’est plus tout à fait ce qu’il était. Ces dernières années en effet ont surgi une myriade de grands chefs de par le monde qui ont su innover avec témérité. « La haute gastronomie française a de beaux restes, de grands chefs talentueux, admirés pour leur technicité mais elle n’est plus hégémonique, payant là son tribut au déclin du pays ».

La cuisine est-elle le reflet d’une époque, comme il tend à le démontrer ? Le lecteur jugera. Ce critique a su échapper à un certain parisianisme culinaire encore en vogue chez de nombreux chroniqueurs gastronomiques. Visiblement, cet épicurien adore les petits restaurants et les auberges à des prix abordables, nichés au cœur des régions. Ces mémoires en cela dépassent le cadre, parfois élitiste, de la grande cuisine :

« La grande erreur de la France est d’avoir sacrifié ses cuisines régionales au profit d’une cuisine nationale devenue internationale par son succès pour des raisons politiques autant que par mode ». Le constat est pertinent. Et savoureux !

Paul Barelli

 

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