Alors que le festival du polar de Drap débute le 1er février, retour sur la sortie du dernier Patrick Raynal présent à la manifestation.
NICE RENDEZVOUS RAYON LIVRE : Au service secret de sa sainteté
De Patrick Raynal (L’Ecailler, 17E)
Le premier chapitre qui ouvre le récit est un prologue. On découvre le personnage principal, certes, mais c’est à travers les dialogues que toute la « problématique » du roman est annoncée. Le père Swift, curé de la paroisse de Boussouma, au fin fond du Burkina Faso, est convoqué au Saint-Siège, à Rome. Il craint que son passé d’activiste d’extrême gauche ne l’ait rattrapé. Dans sa dernière cavale, il s’était réfugié dans une trappe et… avait rencontré Dieu. Depuis, il coule des jours paisibles dans la brousse, au milieu d’une population qui l’apprécie. Le cardinal Di Roggero qui le reçoit est un homme brillant, il connaît bien le dossier du prêtre. Et surtout son passé. La lutte contre le capitalisme. La foi. Et finalement sa probité. Le dialogue entre les deux hommes est vif et subtil :
« - Je crains que l’Eglise n’ait pas tout à fait la même vision de l’histoire que Karl Marx. Est sacré ce qui est utile à l’Eglise au moment où il doit l’être. L’Inquisition et les écrits d’Aristote.
Pardonnez-moi, Monseigneur, mais le fait qu’une banque porte le nom du Saint-Esprit ne consacre pas ses carnets de chèques.
- La casuistique est un outil aussi dangereux que la dialectique. »
La mission de Swift ? Se rendre dans la principauté de San Bernardo pour enquêter. Sur ce rocher, où les habitants sont milliardaires et catholiques, et où « les intérêts et les finances de l’Eglise ne font qu’un », on vient d’installer une grosse agence de l’Espirito Santo et « une procédure de béatification de la princesse ferait bien dans le tableau » La princesse, Lisa, ancienne star d’Hollywood, est décédée dans un accident de voiture sur la corniche… Elle a épousé le prince René, « au charme d’un garçon boucher ». Mais la puissance des médias ont entaché l’image idyllique du couple princier. « Le jour où vous comprendrez que l’invention du téléobjectif a fait plus de mal à l’aristocratie que celle de la guillotine… » Toute ressemblance… etc, etc.
Epaulé par son ami italien Marco Troppea, ex-activiste comme lui, qui se fait appeler Macchiavelli (clin d’œil), Swift, même s’il est écoeuré, se montre plutôt à l’aise dans ce milieu nauséabond de la principauté. Il est vrai qu’il est vaguement cousin avec le prince par sa mère et cela facilite son entreprise. Il va se retrouver confronté au prince, mais surtout au chef de la sûreté – un fasciste sanguinaire –, et au chef de la police, le pigeon de service.
Dans une interview, Patrick Raynal explique que cette histoire (la vraie) lui avait donné l’occasion d’écrire une pièce de théâtre. Devenu un roman, Au service secret de sa Sainteté, a gardé la richesse des dialogues et des formules qui fusent. Le tout émaillé de citations en français ou en latin. Tacite, l’historien romain, Virgile, le poète, Louis XI et même le sapeur Camember, fils illustre d’Anatole Camember et de Polymnie Cancoyotte. Tout cela est aussi réjouissant que cocasse et, après tout, comme le disait si souvent le père de Jonathan Swift : « la réalité n’est qu’une illusion provoquée par le manque d’alcool. »
Alain BANDRY
LE PATRIOTE