Cérémonie de remise de l’Ordre Nationale du Mérite à Philippe Joannès
Discours de Monsieur le Maire
Cher Philippe Joannès,
Dans quelques instants, j’aurai l’honneur et le grand plaisir de vous remettre ces insignes, par lesquels la République vous donne en exemple.
Ils viennent compléter toutes les récompenses qui jalonnent votre parcours professionnel. Ils viennent même couronner ce parcours car ils ajoutent à la reconnaissance de vos pairs, à la gratitude des amateurs, l’hommage public pour ce que votre travail apporte à la Nation toute entière.
On sait en effet combien l’image de la France, et une part de son économie, reposent sur la qualité, sur l’inventivité, sur la solidité de ses chefs… de cuisine, évidemment.
Vous êtes de ceux qui, par leur respect du produit, des cycles de saison, par une passion pour les saveurs puissantes, contribuent largement à alimenter
– au sens figuré, cette fois - , cette image de raffinement et d’art de vivre indissociable de la France.
Vous êtes aussi de ceux dont le parcours est emblématique de ce métier exaltant et exigeant qu’est la grande cuisine.
Bien sûr, on peut dire que votre naissance et votre éducation, dans la cuisine du restaurant familial, -et permettez-moi de saluer vos parents, présents ici aujourd’hui, et de les remercier de vous avoir initié à leur métier-, vous a donné, autant que la passion, un avantage initial pour suivre ce destin.
Mais je voudrais souligner un point : la reconnaissance de Meilleur Ouvrier de France, que vous avez obtenue en l’an 2000 au terme d’un concours très difficile est la consécration d’un parcours d’efforts, de volonté et de talent.
Cette distinction est la hauteur de ce que je considère comme étant la motivation même d’un ouvrier, de quelque métier qu’il soit, à l’égal d’un artisan : l’amour du travail, la précision dans la réalisation, la rapidité dans l’exécution, la qualité dans le résultat, la beauté dans l’apparence.
Cette distinction est d’une grande exigence. L’obtenir demande des efforts de tous les instants, une volonté de fer, une obstination absolue, une conviction profonde, un courage éprouvé. En outre, son obtention suppose de se soumettre au regard aigu de ses maîtres, au réalisme sincère et exigeant de leur jugement, à la cruauté, parfois, de leur verdict.
Eh bien, toutes les qualités qu’il faut pour obtenir ce beau titre, toutes celles que je viens d’énumérer, vous les avez, vous les déployez, tant dans votre parcours que, chaque jour, dans votre cuisine.
Ces qualités, elles émaillent votre histoire professionnelle. Car, avec un CAP de cuisine tout ce qu’il y a de plus classique, comme vous l’avez obtenu en 1981, on ne fournit pas les recettes qui conduisent au plus haut rang du monde culinaire.
A cette formation initiale, par votre travail, vous avez ajouté tous les niveaux de découverte, d’apprentissage, de connaissances, sur le terrain : premier commis, deuxième commis, demi-chef de partie, sous-chef de cuisine, chef de cuisine enfin, votre chemin est comparable à celui d’un passionné, qui veut tout savoir, ou d’un soldat, qui accepte toutes les combats !
Des combats certes, mais sur quels champs de bataille !
Le Trianon-palace à Versailles, le Royal à Deauville, le Sofitel-Sèvres à Paris, le Camélia à Bougival, le Jacqueline Fénix à Neuilly, et enfin le Pavillon-Elysée à Paris à nouveau.
La seule énumération de ces hauts lieux de la cuisine française suffit à comprendre ce que vous visiez. Quant au total de leurs étoiles, il fait de vous, au minimum, un général… de brigade, évidemment !
Ces qualités, elles vous ont aussi porté, au sein de la maison Lenôtre, à vous confronter aux exigences de la qualité saisie par le nombre, aux nécessités de la gestion économique à grande échelle.
Et pour ce faire, pendant dix ans, vous n’avez cessé de vous perfectionner encore, et de vous former sans cesse. Chez Lenôtre, toujours, au niveau national, d’abord, en tant que 1er adjoint du directeur de production, puis chez nous, en tant que directeur régional, vous complétez vos talents,
et devenez ainsi celui qui, désormais, porte le titre de chef exécutif, à la tête des cuisines du Fairmont Monte-Carlo.
Vous rejoignez ainsi la longue liste de ces grands chefs, qui depuis Auguste Escoffier, il y a plus d’un siècle, fond briller, à l’instar de leurs étoiles, la gastronomie et la Côte d’Azur toute entière.
J’ai eu la chance de goûter au résultat de ce parcours. Car le monde de la cuisine est ainsi fait que les qualités d’un chef sont constamment jugées, chaque jour, à chaque repas, par ses clients, et que ce regard constant, cette exigence quotidienne, ce jugement permanent font sans doute de ce métier un des défis professionnels les plus lourds, et les plus stimulants.
J’ai eu cette chance, donc, de participer à ce jugement quotidien. J’en ai un souvenir, comment dire… ému. Mais aussi, indicible, au point que les détails de ce souvenir, je les garde pour moi.
Mais je conseille à tous de le vivre, évidemment.
Au passage, j’espère que vous portez un culte particulier à Christophe Colomb : car sans lui qui les a rapportés d’Amérique, deux des trois produits que vous préférez cuisiner, c'est-à-dire la tomate et la courgette, en plus de l’aubergine, qui elle, je crois, vient des Indes, ne seraient pas offerts à votre imagination et à nos papilles !
A ces qualités professionnelles, vous avez le bon goût d’ajouter une passion pour le sport, avec ses aléas, j’en prends note : la course à pied, certes, et aussi la moto… Mais de cela, si vous permettez, on parlera tout à l’heure, vous et moi.
Ces qualités sont des qualités de chef. Ce sont aussi des qualités d’homme, et chaque jour, votre épouse, Patricia, vos enfants, Kévin et Marine, peuvent témoigner de la place que vous tenez dans leur cœur.
Ces qualités, enfin, sont des qualités de citoyen, puisque vous contribuez, par votre travail, votre réussite, votre dynamisme, à la notoriété et à la grande image internationale de la France, à Monaco et partout ailleurs. A ce titre, il est donc légitime que la République les honore publiquement.
C’est pourquoi, Philippe Joannès, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier dans l’Ordre National du Mérite.
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