Pour Ben Laden, ou ceux qui parlent en son nom, tout était plus simple avec George Bush. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le monde était séparé en deux camps bien distincts : les Etats-Unis et les musulmans qu’Al-Qaïda prétendait représenter. Cette tentative d’embrasement général de l’islam n’a pas abouti. Depuis que Barack Obama est à la Maison blanche, la donne a changé. Les imprécations de ben Laden se nourrissaient de cette « guerre contre le terrorisme » déclenchée par George Bush, souvent sans nuance, au risque d’assimiler tout musulman à un terroriste en puissance.
Avec Obama, les imprécations des islamistes proches de ben Laden risquent de parvenir assourdies dans le monde arabo-musulman. Le président des Etats-Unis en effet est en rupture totale avec George Bush. Il se distingue de la doctrine du fameux conflit de civilisations entre l'Occident chrétien et les musulmans. L’administration Bush a contribué à entretenir l’image d’une Amérique en guerre contre l’islam, ce qui a nourri l’islamisme néo-fondamentaliste.
Au Caire, le 4 juin, Barack Obama a prononcé un discours qui marque un tournant dans les relations entre Washington et la sphère arabo-musulmane. Il a parlé de dialogue tout en condamnant le recours à la violence. Mais surtout, il a dressé un véritable éloge de la culture musulmane, de ses apports culturels à l'histoire humaine, de sa participation à la société américaine. Estimant qu'il est de sa responsabilité de « combattre les préjugés négatifs » sur l'islam, le président des Etats-Unis a dénoncé les stéréotypes véhiculés sur les musulmans. Il a également critiqué les mêmes caricatures entretenues chez les musulmans à l’égard de l’Amérique.
Barack Obama tient à radicalement changer l’image de son pays auprès de ces derniers. Il s’agit, a-t-il dit, de « fonder un nouveau départ entre les Etats-Unis et les musulmans, sur le respect mutuel et sur cette idée que l’Amérique et l’islam ne s’excluent pas ». Avant même que le président américain ne foule le sol égyptien, Al-Qaïda a multiplié les messages condamnant la politique de Barack Obama.
Dans un enregistrement sonore, diffusé le 3 juin la chaîne Al-Jazira, le chef du mouvement Oussama ben Laden a accusé le président américain de «suivre la même politique d'hostilité» à l'égard des musulmans que son prédécesseur George W. Bush. Oussama Ben Laden a cité l'exemple de l'offensive menée par l'armée pakistanaise contre les talibans dans la vallée de Swat le mois dernier. Pour lui, Washington a fait pression sur Islamabad pour repousser les extrémistes dans cette région du Pakistan, déclenchant une campagne «de meurtre, de violence, de bombardements et de destruction» responsable de l'exode d'un million de musulmans.
«Que le peuple américain se prépare à continuer à cueillir les fruits de ce qui a été semé par les dirigeants de la Maison-Blanche pendant les années et les décennies à venir», a averti l'islamiste. La nébuleuse terroriste Al-Qaïda qui a subi de lourds revers, est loin d’être neutralisée. Au Pakistan, quelque 230 attentats, commis par des kamikazes islamistes pour l'immense majorité, ont été perpétrés en moins de deux ans dans tout le pays, faisant près de 2.000 morts.
Dans ce contexte toujours inquiétant, les musulmans, divisés, seront-ils capables de répondre positivement à la main tendue du président américain lors de son discours du Caire ? C’est la question que pose le rédacteur en chef du journal arabe Al-Hayat. Ghassan Charbel, cité par Courrier International estime qu’il n’y a pas désormais de place pour le terrorisme :
« Le profond respect dont Obama a fait preuve vis-à-vis du monde musulman met celui-ci au défi de créer, lui aussi, les conditions d’un partenariat. Il faudra patienter avant de savoir si le monde musulman a vraiment le désir et la capacité de s’insérer dans un partenariat d’intérêts communs, de dialogue et de solutions négociées ».
Après ce discours symbolique du Caire, Barack Obama va devoir initier, dans les faits, une nouvelle politique américaine au Proche-Orient à l’égard de l’Afghanistan, de l’Irak de l’Iran. Un véritable défi.
PAUL BARELLI
Le Petit Niçois