Dérisoires polémiques : perdront-ils tous leurs nerfs ?
Tandis que résonnait le Chant des partisans dans la cour des Invalides, ultime hommage à Maurice Druon, grand écrivain et résistant, au moment où le chef de l’Etat célébrait la mémoire de ce « défenseur de la grandeur de la volonté humaine », la boutique médiatico-politique hexagonale s’interrogeait sur un sujet crucial. La polémique relative aux propos qu'aurait tenus Nicolas Sarkozy sur José Luis Zapatero suivie des « excuses » de Ségolène Royal.
Nous vous épargnerons les pénibles épisodes de ce futile feuilleton politique. Il témoigne, une nouvelle fois, de la surenchère verbale dans laquelle s’engluent, parfois avec délectation, une grande partie de ceux qui occupent le devant de la scène médiatique. Nous l’avons déjà souligné dans ces colonnes, les journalistes participent parfois à cette dérive où alternent petites phrases assassines, propos « tenus en privés » ou « sortis de leur contexte ». Ces ingrédients suscitent des polémiques que contribuent, par la suite, à nourrir voir amplifier tous ceux qui y trouvent de l’intérêt.
Il n’est pas question de contester le choix éditorial de Libération qui a fait son travail de journal d’opinion en révélant, comme l’a souligné son directeur Laurent Joffrin que Nicolas Sarkozy, devant un certain nombre de députés a bien prononcé, sur José Luis Zapatero, les mots que nous lui avons mis dans la bouche. (…) Simplement, il y a eu un malentendu, puisque la presse espagnole les a pris au premier degré."
Nicolas Sarkozy "a effectivement dit, en réponse à Emmanuelli et sur le ton de la boutade et pour se moquer de lui-même autant que de Zapatero, ou même pour défendre Zapatero à certains égards, qu'il n'était peut-être pas très intelligent mais qu'il gagnait les élections, ce qui n'est pas le cas de certains en France. Il y visait en fait Jospin."
La polémique aurait pu en rester là. Seulement, Ségolène Royal est entrée en scène, contribuant à l’amplifier. La présidente de Poitou-Charentes a indiqué le I8 avril qu'elle a écrit à José Luis Zapatero, pour lui présenter des "excuses" pour ce qu'elle qualifie de "propos injurieux" imputés à Nicolas Sarkozy. A partir de là, la machine infernale s’est mise en marche. Et chacun d’y aller de sa petite phrase. Tout est permis, les affirmations, les démentis, vrais ou faux : qu’importe ! L’essentiel est d’occuper la scène médiatique. Et ils se bousculent au portillon ! Ainsi, Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’ Ump (après avoir été qualifié de « roquet » par Laurent Joffrin) a estimé, avec nuance, que Ségolène Royal a « pété les plombs et devrait consulter ! ». Quant à Bernard Kouchner, venu à la rescousse de Nicolas Sarkozy, le chef de la diplomatie française a prononcé cette phrase digne de l’humoriste Pierre Dac : « en disant que Zapatero n’était "pas intelligent": Sarkozy voulait dire "il l'est"». Fermez le banc ! Au suivant.
L’intensité de cette polémique qui frise le ridicule amène à se poser une question relevant de la psychiatrie : les politiques ont-ils tous perdu leurs nerfs ? Ou, à tout le moins, pourquoi cèdent-ils tant à la surenchère verbale. Sont-ils à ce point contraints de livrer systématiquement leur avis sur tout et n’importe quoi. Certains se laissent prendre au piège de la surexposition médiatique. Gonflant les égo, elle étouffe les voix des sages, ceux qui refusent de participer au grand show et préfèrent livrer leurs réflexions avec sérénité.
Circulez, il n’y a rien à penser : faites plutôt du « bruit », du « buzz » sur internet, à la radio à la télé. « Surtout, conseillent désormais les nouveaux Séguela (version sans Rollex, crise oblige !!) ne disparaissez pas du devant de la scène. Il vaut mieux soutenir une énormité, créer une polémique si dérisoire soit-elle que de disparaître des medias ». Ce principe Jean-Marie Le Pen l’a fait sien. Il était passé maître dans l’art de la provocation vite relayée, le président du FN en évoquant récemment de nouveau « le détail de l’histoire » a sombré. D’autres, moins outranciers, seront, à leur tour condamnés au silence.
Lundi dernier, tandis que les aboiements nourrissaient la futile polémique Sarkozy /Royal, le cercueil de Maurice Druon quittait la cour des Invalides sur le Chant des partisans – « Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines…. »
Paul Barelli
Le Petit Niçois