Financé par le contribuable ce site destiné à ancrer dans «l’inconscient collectif» (c’est le nom de l’agence qui l’a conçu) la vision du gouvernement en matière de lutte contre le piratage était hébergé à la demande de l’agence par «Push It Up» qui a mis les pouces suite aux attaques provoquées par une déclaration inconsidérée de Christine Albanel, ministre de la Communication, décrétant ce site inviolable. Une affirmation aussitôt vérifiée par les hackeurs et rapidement infirmée malheureusement pour la rue de Vallois, qui depuis cherche un nouvel hébergeur capable de se lancer dans une aventure flibustière.
Cela ne va pas arranger les relations des internautes avec le ministère de la Culture accusé d’être une officine des lobbies du cinéma et de la musique et révéle aussi la profonde ignorance des législateurs envers les us et les coutumes d’un secteur qu’ils prétendent réglementer. Le site Jaimelesartistes.fr était présenté par le ministère comme un site d’information mais considéré par les opposants comme un site de propagande pour le projet de loi « Diffusion et protection de la création sur internet » puisque la parole ne leur était pas donnée.
Muriel Marland-Militello, rapporteur pour avis du texte internet en cours d'examen à l'Assemblée Nationale, considère que « ces actes liberticides sont proprement inadmissibles (qu’ils) bafouent le droit pour les citoyens d'être informés sur les projets gouvernementaux, (qu’ils) bafouent la liberté d'expression» et souhaite que «les auteurs de ces faits soient rapidement identifiés, poursuivis et sévèrement punis».
Jacques Attali conseiller de Mitterrand et auteur pour Sarkozy du rapport qui porte son nom, dit tout le bien qu’il pense de la loi Hadopi sur son blog.
" Comme en agriculture, où les riches paysans de la Beauce se sont depuis longtemps cachés derrière les pauvres agriculteurs de montagne, pour obtenir des subventions dont ils étaient en fait les principaux bénéficiaires, les industries du cinéma et de la musique mettent maintenant en avant quelques créateurs et quelques chanteurs bien vus des puissants, pour maintenir d’indéfendables rentes de situation.
Qu’on puisse dans la France de 2009 présenter et faire voter au Parlement, avec les voix de toute la droite et d’une partie de la gauche, une loi aussi indigne que celle qui vient en débat cette semaine à l’Assemblée nationale est une signe de plus d’un pays dont les élites politiques et économiques ne comprennent plus rien ni à la jeunesse, ni à la technologie, ni à la culture. D’un pays où les mots distraction, culture, art, spectacle, commerce, chiffres d’affaires sont employés de façon indifférenciée.
Cette loi vise à surveiller ceux qui téléchargent gratuitement de la musique ou des films, à leur envoyer une semonce, puis une amende, ou l’interdiction de l’accès à internet. Cette loi est absurde et scandaleuse.
Absurde, parce que plus personne ne télécharge : on regarde ou écoute en streaming. Absurde parce que toute volonté de crypter est sans cesse contournée par des moyens de le dépasser. Absurde parce qu’on prétend interdire d’accès à internet toute une famille, qui en a besoin pour son travail, parce qu’un enfant utilise l’ordinateur familial pour écouter de la musique. Absurde parce que les vrais artistes n’ont rien à perdre à faire connaitre leurs œuvres, ce qui leur attirent de nouveaux spectateurs et les protègent, à terme, contre l’oubli.
Scandaleuse parce que cette loi ouvre la voie à une surveillance générale de tous les faits et gestes des internautes ; parce qu’elle protège les rentes de situation des entreprises de média, qui ne sont pas incitées à apporter des nouveaux services à leurs clients (les paroles des chansons, les œuvres d’artistes inconnus, des films en 3 D ou tant d’autres innovations qui s’annoncent ailleurs) et les privilèges des fournisseurs d’accès,( qui devraient, en finançant une licence globale, fournir la rémunération des droits d’auteurs, des interprètes, des maisons de disques inventives et des agents des artistes ) . Scandaleuse surtout parce que, pour une fois qu’on pouvait donner quelque chose gratuitement à la jeunesse, première victime de la crise, voilà qu’on préfère engraisser les majors de la musique et du cinéma, devenues aujourd’hui cyniquement, consciemment, les premiers parasites de la culture. Et en particulier, comment la gauche, dont la mission est de défendre la gratuité contre le marché, peut elle se prêter à une telle hypocrisie ?
A la fin du 18ème siècle, les lois sur les droits d’auteurs ont été écrites pour protéger les créateurs contre les marchands. Au milieu du 19ème siècle, telle fut aussi la raison d’être des premières sociétés d’auteurs. Voilà qu’on prétend les utiliser pour protéger les marchands contre les créateurs ! Pire même, voilà qu’on prétend transformer les artistes en une avant-garde d’une police de l’Internet où sombrerait la démocratie.
Cette loi sera sans doute votée, parce qu’elle est le pitoyable résultat d’une connivence passagère entre des hommes politiques, de gauche comme de droite, toujours soucieux de s’attirer les bonnes grâces d’artistes vieillissants et des chefs d’entreprises bien contents de protéger leurs profits sans rien changer à leurs habitudes.
Cela échouera, naturellement. Pour le plus grand ridicule de tous."