NICE CASSIN LE CLÉZIO - Par un curieux concours de circonstance JMG Le Clézio reçoit ce mercredi 10 décembre à Stockholm le Nobel de littérature et la France fête le soixantième anniversaire de l'adoption par les Nations unies de la Déclaration universelle des droits de l’homme dont le principal rédacteur fut René Cassin Prix Nobel de la paix. Or ces deux humanistes ont en commun Nice.
Nice vient de rendre hommage à un ses plus illustres enfants : René Cassin. A l’occasion du soixantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme dont il fut un des principaux rédacteurs, le message de cet humaniste, prix Nobel de la paix 1968, apparaît, à l’aune de l’actualité, d’une singulière pertinence. D’autant que son implication en faveur de la paix ne fut pas toujours perçue à sa juste valeur. Le nom de René Cassin- natif de Bayonne, est cependant intimement lié à l’histoire de Nice où sa famille s’installa au Premier Empire et où il fit ses études au lycée Masséna. Il étudia également à la faculté de droit d’Aix-en-Provence puis à Paris. Il se trouva engagé dans le premier conflit mondial et grièvement blessé en 1916.
La paix revenue, il ne cesse d’œuvrer en faveur des anciens combattants. Professeur dans les années 1920, il soutient la création de la Société des Nations (SDN). Seulement, la SDN n’a pas les moyens de défendre la dignité de tous les hommes. Un remarquable documentaire le rappelle : « René Cassin, une vie au service de l’homme » d’Aubin Hello, projeté récemment à Nice et sur la chaîne Public Sénat. Le cinéaste dévoile l’intervention de Goebbels au siège de la SDN en 1933. Contre la plainte d’un juif de Silésie qui dénonce les persécutions nazies, Goebbels répond : « Nous sommes un État souverain. Tout ce que dit cet individu ne vous regarde pas. Nous faisons ce que nous voulons de nos socialistes, nos juifs ou nos pacifistes. » Cette réponse est un moment fondateur dans la vie de René Cassin, analyse dans La Croix Robert Badinter. Naturellement, le 23 juin 1940, René Cassin figure parmi les premiers à rejoindre le général De Gaulle à Londres. « Vous tombez à pic ! » lui lance, lors de leur première entrevue, l’homme du 18 juin. De Gaulle lui confie la charge de régler les relations entre la Grande-Bretagne et la France Libre. Fait peu connu et que souligne la Fédération des Associations du Comté de Nice, René Cassin, le 30 novembre 1940, s’adresse, sur les ondes de la BBC, à ses « Chers compatriotes » de Nice !
« Le 11 novembre, le frisson patriotique qui a secoué Nice a valu à sa municipalité, comme en Savoie, à celle de Chamonix, l’honneur d’être dissoute. Les nombreux niçois qui ont répondu à l’appel du général De Gaulle sont certains maintenant que Nice, berceau de Garibaldi, le « héros des deux mondes », et lieu de repos de Gambetta, le défenseur invaincu de la France- que Nice restera française ».
L’amour de René Cassin pour Nice transparaît : « vos combattants niçois pourront embrasser leurs parents, saluer les amis du marché, du port ou du « Boucin », Tintin de Carabacel, les camarades du Mesclun. Ils restaureront les libertés, sur la ruine des dictatures, et referont de Nice un foyer de civilisation méditerranéenne. ».
Aujourd’hui, en des moments infiniment moins tragiques, le message de courage du Prix Nobel de la Paix 1968 devrait inspirer la lutte dans l’esprit des français en proie à de nombreuses peurs. Singulier hasard de calendrier, soixante ans après, un autre enfant de Nice reçoit un prix Nobel de Littérature : Jean-Marie Gustave le Clézio. Certes, le talentueux écrivain qui a vécu près du port n’a pas suivi le même parcours. Pourtant, son œuvre très ouverte sur le monde, témoigne d’un véritable humanisme.
Dans le discours de réception du Nobel de littérature qu'il a prononcé samedi à Stockholm, Le Clézio a fait l’apologie de la littérature universelle, tout en s'interrogeant sur le rôle paradoxal de la création littéraire. "Aujourd'hui, au lendemain de la décolonisation, la littérature est un des moyens pour les hommes et les femmes de notre temps, d'exprimer leur identité, de revendiquer leur droit à la parole et d'être entendus dans leur diversité", estime le romancier. Dans son discours intitulé "Dans la forêt des paradoxes", Le Clézio a évoqué la fois l'opposition entre une littérature qui se veut pour tous mais reste réservée à une minorité, et les interrogations sur l’écrivain, être solitaire qui veut parler pour l'humanité."Agir c'est ce que l'écrivain voudrait par-dessus tout. Agir plutôt que témoigner. Ecrire, imaginer, rêver, pour que ses mots, ses inventions et ses rêves interviennent dans la réalité, changent les esprits et les coeurs, ouvrent un monde meilleur ».
Des propos qu’aurait pu tenir René Cassin.
Paul Barelli
Le Petit Niçois
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