DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME CASSIN - La ville et le comté de Nice honorent, durant toute la semaine, l'un de ses plus célèbres enfants, le juriste René Cassin, principal rédacteur de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, prix Nobel de la Paix en 1968. Même s'il est né à Bayonne le 5 octobre 1887, René Cassin est issu d'une famille niçoise de confession israélite. Il passe son enfance et son adolescence à Nice (notre photographie : René Cassin avec son père Azaria Cassin et sa soeur Félice à Nice en 1955), où il est élève du Lycée Masséna avant de rejoindre la faculté de droit d'Aix-en-Provence puis la Sorbonne. Docteur en Droit, il enseigne à Aix, puis à Lille et enfin à Paris où il enseignera quasiment jusqu'à sa mort en 1976.
Dès juin 1940, il rejoint le général De Gaulle à Londres  et le 23 novembre qui suit, il rédige une "Adresse aux Niçois", véritable déclaration d'amour à Nice française, dans laquelle il exhorte ses compatriotes à lutter contre le fascisme mussolinien. Nous reproduisons in extenso, ci-dessous, cette superbe page extraite du livre "Les hommes partis de rien".

René Cassin, une vie au service de l’Homme un documentaire de 56 min écrit et réalisé par Aubin Hellot Seul juif français “panthéonisé” à ce jour, René Cassin est l’une des plus grandes consciences du XXème siècle. Grand blessé de la 1ère Guerre mondiale, pacifiste militant, artisan des accords De Gaulle -Churchill, co-fondateur de l’Unesco et principal rédacteur de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, l’énumération de ses hauts faits impressionne.  A l’occasion du 60e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui sera célébré en décembre prochain à Paris, j’ai voulu  revenir avec ce film sur l’extraordinaire parcours de René Cassin et notamment ses attaches pour Nice, la ville de son enfance et plus généralement sur son oeuvre et sa vie, sachant qu’aucun documentaire n’a jamais été réalisé sur lui à ce jour. Bien plus qu’une simple biographie, ce film décrypte l’enchaînement dramatique des catastrophes mondiales du XXe siècle dont Cassin a autant été le témoin qu’un acteur influent.  De ces évènements découlera finalement l’adoption de la Déclaration en 1948, véritable tournant dans l’histoire de l’humanité  et dont les enseignements restent d’une brûlante actualité… Ce documentaire est largement basé sur d’impressionnantes archives (dont une bonne partie est inédite à la télévision) et plusieurs intervenants  témoignent sur l’homme, son action et le contexte historique : Gérard Israël, biographe de Cassin et philosophe; Robert Badinter, ancien Ministre, largement influencé par l’œuvre de Cassin ; les historiens Olivier Wieviorka, et Michel Marbeau.  Mais aussi Stéphane Hessel, Karel Vasak ou Marceau Long, tous trois anciens proches du professeur, comme l’appelait respectueusement De Gaulle. Le comédien Michael Lonsdale exprime la voix intérieure de Cassin. Elle rythme le film par ses pensées, ses bonheurs ou ses désillusions, textes issus de lettres, d’émissions de radio (il fut l’une des voix marquantes de la France Libre à la BBC pendant la 2ème guerre Mondiale), ou bien de ses tribunes dans de nombreux journaux.  Une production Les Films du Large, In Fine Films, l’ECPAD, Public Sénat et Telessonne, avec le soutien de la Commission Française pour l’UNESCO, le Ministère de la Défense, la fondation Charles de Gaulle, la municipalité de Bayonne et la Fédération des Associations du Comté de Nice. Bio-Filmographie du réalisateur Aubin Hellot, auteur/réalisateur né en 1967. Il écrit et réalise des documentaires depuis 15 ans pour France 3, France 5, ARTE, KTO, Planète, Equidia, Voyages etc. Principales réalisations :  -Paul-Emile Victor, Voyage(s) d’Un Humaniste( 52’) -  France 3 -Le Nouvel Homme des Casernes (2X26’)  - France 5 -Mille et Une Merveilles, Les Artisans des Monastères  (13X26’)  - KTO -Les Guignols de l’info, jeu de miroir ou jeu de massacre (26’) ARTE ADRESSE AUX NICOIS 30 novembre 1940 par le Professeur René Cassin Chers compatriotes de Nice et des Alpes-Maritimes, Depuis ces jours de juin où  Mussolini a poignardé dans le dos la France égorgée par Hitler, ma pensée n’a cessé de se diriger vers vous. Jusqu’en novembre, on a pu redouter que la cinquième ville de France soit livrée aux chacals, comme l’Alsace et la Lorraine l’ont été aux tigres. Cependant la France sent sa douleur et sa vie renaître ensemble. Au geste des Français libres quicontinuent le combat en mer, dans les airs, en Libye, tous les autres reprennent courage. Le 11 novembre, le frisson patriotique qui a secoué Nice a valu  à sa municipalité, comme en Savoie, à celle de Chamonix, l’honneur d’être dissoute. Les nombreux niçois qui ont répondu à l’appel du général De Gaulle sont certains maintenant que Nice, berceau de Garibaldi, le « héros des deux mondes », et lieu de repos de Gambetta, le défenseur invaincu de la France- que Nice restera française. Il n’est pas vrai qu’elle ait été jamais italienne ou souhaite le devenir. Cavour, l’un des constructeurs de l’Italie libre, l’a proclamé lui-même à Turin. La population niçoise s’est donnée à la France sous la Révolution ; par un plébiscite triomphal elle s’est, en 1860, définitivement fondue dans la communauté française. Sans qu’il fût besoin de traités de minorités, la mère patrie a toujours respecté les traditions de ses enfants niçois. Si des Italiens sont venus nombreux sur la Côte d’Azur, c’est pour y vivre sur un sol français. Réciproquement, Nice a contribué à la prospérité et à la grandeur de la France. À toutes les heures d’épreuves, en 1914, en 1939, dans les guerres coloniales, ses fils, ceux de la montagne et de la côte, ont versé généreusement leur sang. Mais Mussolini n’avait pas plus pour lui la force que le droit. A-t-on assez exalté le fascisme, source de puissance, d’ordre et de civilisation ? Quelles bassesses, certains misérables n’ont-ils pas faites, pour que les Français abandonnent  leur alliance avec la démocratique Angleterre, et se mettent à la remorque du Duce ? Or, même à l’agonie, la vaillance  de nos troupes alpines a empêché l’avance des chemises noires. Et voici maintenant que s’écroule le « bluff » tragique. Il a suffi que résiste l’héroïque petit peuple grec, qui a fondé jadis Niké, Antipolis et Massalia, la cinquième sur la liste des nations traîtreusement assaillies par la bande de Rome, pour que maintenant celle-ci prenne peur, appelle à son secours Hitler et lui livre le peuple italien. Quelle leçon pour nous ! Tant que l’Allemand tiendra notre patrie et nos prisonniers sous sa main de fer, la lutte intérieure sera, certes, difficile. Niçois, vous êtes toujours menacés. Mais les forces morales sont invincibles ; les héroïques Londoniens et tous les Anglais, attachés à votre région, le prouvent ici même car la détermination  de nos alliés est inflexible. Courage donc, l’heure de la victoire commune sonnera ! Elle sonne déjà en Afrique. Un jour, vos combattants niçois pourront embrasser leurs parents, saluer les amis du marché, du port ou du « Boucin », Tintin de Carabacel, les camarades du Mesclun. Ils restaureront les libertés, sur la ruine des dictatures, et referont de Nice un foyer de civilisation  méditerranéenne.  Mais en premier lieu, nous irons au château et à Caucade rendre compte de nos actes à nos morts et la jeunesse niçoise libérée jurera, à son tour, devant le Monument à la France, la fidélité à la petite Patrie et aux principes immortels incarnés par la grande. Extrait du livre « Les hommes partis de rien : le réveil de la France abattue (1940-1941), Paris, Plon, 1974»