Le grand bazar de la rentrée littéraire.
Une incursion dans les coulisses de la rentrée littéraire réserve des surprises. À condition de gommer la surmédiatisation des ouvrages qui procurent l’illusion au lecteur de « s’encanailler » - le Marché des amants de Christine Angot - dont l’écriture est qualifiée par un critique de « diarrhéique ». Il y est question de sa récente relation amoureuse avec Doc Gynéco. Un autre livre "Jour de souffrance » dans lequel Catherine Millet exhibe sa vie sexuelle, est promis à un bel avenir. La vie littéraire dans l’Hexagone, fort heureusement, ne se résume pas à ces sulfureux écrits.
670 nouveaux romans tentent leur chance auprès du public du 15 août au 15 octobre. Ce chiffre peut sembler considérable. Cependant, quand on décrypte le nombre d’ouvrages lus par les Français, selon une enquête TNS de mars 2008, ils ont été 69% à lire au moins un livre au cours des douze derniers mois. Mais seulement 9% d'entre eux en lisent plus de vingt, 2 % de six à vingt.
Pourtant, les éditeurs ont fait des efforts pour limiter une surproduction qui nuit à la rentabilité de la chaîne du livre. De fait, en 2007, les dix premières ventes ont été à l'origine de 5% du chiffre d'affaires du secteur, selon le panel GFK, comme le révèle le site Moneyweek. Une chose est sûre : la course aux prix littéraires 2008 demeure très ouverte, avec une demi-douzaine de romans, de genres très différents. Les lecteurs qui attendent des jurés qu'ils leur préparent le terrain peuvent être satisfaits. Des 466 romans français de la rentrée, les jurys de quatre des principaux prix d'automne n'ont retenu qu'une quarantaine de titres. Une diversité d'auteurs et de thèmes abordés, des récits de grand large aux confessions intimes.
En tête de liste, Olivier Rolin est en lice pour le Goncourt, le Renaudot et le Médicis avec "Un chasseur de lions" (Seuil), récit des aventures rocambolesques d'Edouard Manet et de l'un de ses modèles. Auteur d'une quinzaine de romans, Rolin a déjà reçu le Femina en 1994. Mathieu Belezi pointe pour sa part sur les premières sélections du Goncourt, du Médicis et du Femina, avec "C'était notre terre" (Albin Michel), une saga familiale aux temps de l'Algérie française.
Il serait présomptueux de s’aventurer au jeu des pronostics. Il convient de resituer la singularité de la France qui est un des rares pays où, deux fois par an, l'attention des lecteurs et des médias est concentrée sur les livres. Pierre Assouline estime que la rentrée littéraire est un phénomène propre à l'Hexagone. « Dans le reste du monde c'est beaucoup plus étalé, et il n'y a pas cette focalisation et cette importance des prix littéraires. De même, explique-t-il au Monde, une émission comme "Apostrophes", qui était une véritable émission d'intérêt national, dont tout le monde parlait le lendemain, qui faisait l'événement, ça n'a pas existé ailleurs ».
Le phénomène semble nettement s’estomper. Ainsi, les nouveaux magazines culturels de France 2 ont-ils mal débuté en terme d’audience. Ni "Café littéraire", de Daniel Picouly, ni "Vendredi si ça me dit", de Christophe Hondelatte n'ont attiré le public. Avec 450 000 téléspectateurs pour l'une et 1,1 million pour l'autre, les deux émissions ont recueilli des taux d'audience de 3,5 % et de 7 %, très en dessous des programmes des autres chaînes. Cela démontre qu'il est difficile de faire vivre le livre à la télévision, comme le souligne Le Monde, alors qu'à la radio la chose semble aller de soi. Depuis 2002, on note une progression du nombre d'émissions de radio consacrées à la littérature : de 13, elles sont passées à 19.
Une des grandes nouveautés de cet automne dans les librairies est l’apparition d’une véritable « rentrée littéraire Poche ». Ce phénomène témoigne de la mutation du marché du livre, mais également du changement des mentalités au sein des grands groupes d’édition. Jusqu’ici, seules les Editions Points (département Poche du Seuil) avaient vraiment fait l’opération « Rentrée littéraire ». Cette année, J’ai Lu se lance dans cette formule . Cette « rentrée littéraire Poche » s’inscrit dans une période de crise du pouvoir d’achat, une époque où un livre n’a jamais coûté aussi cher (de 16 à 23€ en moyenne). Tandis que déjà une nouvelle révolution se prépare : Sony, la Fnac et Hachette s’apprêtent à lancer ensemble le premier « livre numérique ».
Mais cela est une autre histoire…
Paul BARELLI
Le Petit Niçois