KGB FESTIVAL CANNES -
Le système Poutine : les hommes de l'ombre au pouvoirTelle une toile d’araignée, le
KGB déployait ses agents en des lieux parfois insolites, là où ils pouvaient se livrer à l’espionnage. Près de
Nice sur la
Riviera Côte d’Azur, les services secrets de l'ex
Union Soviétique se sont même intéressés au
Festival du film de Cannes dans les années soixante-dix : «
Sous la couverture d’une société de production cinématographique moscovite, quelques agents soviétiques infiltrés glanaient des renseignements sur la Croisette. Nous les avions discrètement surveillés », confie un ancien responsable de la
DST,
Direction de la Surveillance du Territoire, le contre-espionnage français.Cette anecdote témoigne du caractère tentaculaire du
KGB qui employait, dans les années quatre-vingts, 700 000 officiers, 200 000 gardes-frontières et … 6 millions d’informateurs, plus ou moins volontaires. La guerre froide n’est plus qu’un très mauvais souvenir : le
KGB - le Comité de sécurité de l’État - a changé de nom, il s’appelle désormais le
Service fédéral de sécurité, FSB. L’
URSS a disparu, le communisme n’est plus l’idéologie officiellement professée par la
Russie. Pourtant, ce sont bien les hommes du
KGB, en tout cas leurs héritiers directs- du
FSB qui tiennent les rênes du pouvoir à
Moscou.
Thierry Wolton consacre un ouvrage captivant à ces hommes de l’ombre qui dirigent la Russie. «
Le KGB au pouvoir. Le système Poutine » (à paraître le 10 janvier chez
Buchet-Chastel). Cet historien, spécialiste reconnu du monde communiste, a publié «
Le KGB en France » en I986, s’affirmant comme un des experts incontestés de la police secrète soviétique.
Thierry Wolton signe une enquête fouillée qui permet de comprendre dans quel contexte les hommes du
KGB, avec parmi eux
Vladimir Poutine, se sont hissés au sommet de l’État. En une trentaine d’années, la
Russie est passée du communisme au libéralisme sauvage, pour incarner aujourd’hui un nationalisme autoritaire. Pourquoi ? Comment ? Au bénéfice de qui ces manœuvres brutales ont-elles eu lieu ? L’historien apporte des réponses au fil d’un récit fouillé dont le
KGB et son successeur le
FSB, constituent la trame. Les services secrets, à l’époque de l’URSS, formaient le squelette sur lequel reposait le système. Leur rôle s’est accentué à mesure que le régime communiste s’est délité avant de s’effondrer. Les responsables de la police secrète furent les premiers à comprendre que l’avenir de l’
Union soviétique était compté. Ils ont été aux avant-postes pour proposer des réformes, mais à l’arrière scène pour les mettre en œuvre :«
Avec la Glasnost (action de rendre public) et la Perestroïka (la restructuration), précise
Thierry Wolton, Gorbatchev a appliqué le programme que le KGB avait mis au point avant qu’il devienne le numéro un soviétique. Ce plan a échoué quand le processus de modernisation a échappé à ces apprentis réformateurs. Le KGB a voulu sauver l’URSS, mais il a perdu le régime soviétique, avec l’arrivée de Boris Eltsine au pouvoir, un électron libre, pour peu de temps.. ».L’auteur décrypte comment, durant la décennie 1990, les hommes du
KGB ont avancé leurs pions pour se rendre indispensables dans l’anarchie ambiante. Il leur fallait récupérer le pouvoir qu’ils avaient perdu avec la chute de l’
Union soviétique en 1991. La libération de l’économie sous l’impulsion de
Boris Eltsine a fait surgir de nouveaux acteurs avec lesquels le
KGB allait devoir composer : la mafia et les oligarques qui s’emparèrent des richesses du pays. Ainsi les hommes du
KGB puis du
FSB ont-ils peu à peu éliminé les «
démocrates » des postes clés. Ils ont circonvenu le
président Eltsine jusqu’à lui dicter ses actes. Et ils ont fini par placer l’un d’entre eux au sommet de l’Etat,
Vladimir Poutine.La carrière d’agent secret de celui que ses camarades espions surnommaient «
La teigne » fut assez terne. Il servit en particulier en
Allemagne de l’Est, à
Dresde, une base secondaire. En 1988, ses collègues est-allemands l’ont décoré de l’ordre du Mérite. La médaille était de bronze, celle réservée aux espions de second ordre.
Poutine, cependant parvint à se faire nommer en juillet 1998 patron du
FSB. Et c’est au terme de subtiles manœuvres le
9 août 1999 qu’il accéda au poste de premier ministre affublé d’une image de «
fonctionnaire au dessus de tout soupçon ». Son ascension s’apparente souvent aux arcanes d’un roman d’espionnage.
Paul BarelliLe Petit Niçois