CINÉMA GUERRE D’ALGÉRIE - L’Ennemi intime : le film qui montre la guerre d’Algérie les yeux grands ouverts va certainement intéresser les nombreux appelés de Nice Côte d’Azur et des Alpes Maritimes qui ont participé à ces douloureux combats. Le grand mérite du film « l’ennemi intime » du réalisateur français Florent-Emilio Siri n’est pas de plonger le spectateur au cœur de la guerre d’Algérie de manière poignante mais de lui permettre de «regarder le passé les yeux grands ouverts» ; ce qui ne veut pas dire s’engouffrer dans l’autoflagellation ou la repentance », comme le confie Patrick Rotman qui a écrit le scénario du film. L’écrivain documentariste s’est efforcé d’aborder, dans ses contradictions, l’histoire de cette guerre.«L’Algérie faisait partie intégrante de la nation française, précise le scénariste au Nouvel Observateur, ce qui rend la blessure encore plus douloureuse que la guerre du Vietnam pour les Américains. La guerre d’Algérie est à la fois une guerre de libération et une guerre civile, autant entre Français qu’entre Algériens » Cette présence des civils et, de plus, de communautés enchevêtrées rend la représentation de cette guerre si difficile : « l’ennemi intime » traduit cette singularité.Il s’agit d’abord d’un spectaculaire film d’action, à la mise en scène incisive, écrit à partir du vécu de soldats français dépeints à la fois comme bourreaux et victimes. En 1959, au cœur de cette guerre, le lieutenant Terrien (Benoît Magimel), dessinateur industriel dans le civil, rejoint les forces françaises qui mènent des opérations militaires en Kabylie.Humaniste et sensible, il s'oppose bientôt, au sein de la section dont il a pris le commandement, au sergent Dougnac (Albert Dupontel), un "dur" qui conserve un certain code de l'honneur militaire. "L'ennemi intime" plonge d'emblée au vif de la guerre, montrant une inspection musclée et nocturne d'un village kabyle "en demi-pension" - contrôlé par l'armée française le jour et la résistance algérienne la nuit.Au retour des militaires français la nuit suivante, les fellaghas, avertis, ont égorgé tous les villageois dont les corps allongés jonchent le sol d'une maison et Dougnac donne sur-le-champ la signification du massacre."Ce n'est pas de la sauvagerie gratuite !", lance-t-il, "ils ont voulu foutre la trouille aux autres villages !".Certaines scènes, on l’aura compris, versent parfois dans les clichés propres aux films de guerre. Les personnages n’échappent pas toujours à la caricature. Il en est ainsi du lieutenant Terrien (Benoît Magimel), jeune idéaliste volontaire pour la guerre d’Algérie, qui déclare dès son arrivée que de toute façon il faudra rendre leur liberté à ces territoires.Le propos, cependant, demeure ambitieux et fait œuvre de lucidité. Les scènes de tortures menées par les troupes françaises succèdent à la terrible vision de villageois massacrés par le FLN. Visiblement Patrick Rotman n’a pas voulu instruire le procès de l’armée française, dérive dans laquelle versent parfois certains historiens de cette époque : « le vrai sujet de l’Ennemi intime, c’est le combat du bien et du mal en nous, indique Patrick Rotman. Ce n’est pas les bons contre les méchants… Il faut vraiment que le spectateur essaie de se mettre dans la tête d’un jeune homme de 20 ans plongé dans une telle guerre. Qu’aurais-je fait, moi »À cet égard, le film pose quelques-unes des vraies questions qui trop longtemps ont été éludées. En particulier sur cette guerre entre ennemis qui vivent ensemble depuis tant d’années mais ne se comprennent pas. Quarante-cinq ans après, la mémoire de cette guerre demeure problématique.Et c’est dans ce contexte que la France s’apprête à célébrer, pour la quatrième année, un hommage national aux Harkis qui revêt un caractère particulier après les déclarations en mars dernier de Nicolas Sarkozy. Le candidat avait dit à des représentants de Harkis que la France devait "reconnaître sa responsabilité dans le sort douloureux qui a été le leur". Nicolas Sarkozy avait promis aux Harkis et à leurs familles de reconnaître la responsabilité de l'État français dans le sort douloureux qui a été le leur.Le président de la république, cependant, à propos de la guerre d’Algérie, s’est montré hostile à la repentance. « Je déteste la repentance qui est un obstacle à l’intégration ». Lors d’une visite éclair à Alger, le 10 juillet, il avait déclaré, présentant son projet d'Union méditerranéenne, qu’il souhaitait se "tourner vers l'avenir" : "Je viens ici ni pour blesser ni pour m'excuser".Paul BARELLI