DÉBAT | GRÈVE | L’instauration d’un service minimum en cas de grève : le débat escamoté
Le sujet demeure tabou en
France : ouvrir le débat sur le
droit de grève et l’instauration d’un
service minimum dans les
transports publics. Il pourrait ressurgir lors de la campagne de la présidentielle tandis que se profile une
journée nationale de grève lancée par les 5 fédérations de l’Éducation,
le 28 septembre.
À la simple évocation de la mise en place d’un service minimum, les organisations syndicales dénoncent une
atteinte au droit de grève. Or, ce dernier et le droit à la continuité du
service public sont deux principes de valeur constitutionnelle qu'il y a lieu, comme le rappelle le
Conseil constitutionnel, de concilier l'un avec l'autre.
Dès le 4 février 1998, à
Rennes,
Jacques Chirac avait ouvert le débat : «
Il n’est pas acceptable, dans une démocratie moderne, que les services publics aient le triste monopole de grèves qui paralysent en quelques heures toute l’activité d’une agglomération, quand elles n’affectent pas la France tout entière ». Tout en rappelant que la grève est un droit, le
chef de l’État s’était déclaré favorable à ce que les entreprises de service public s’accordent avec leur personnel «
sur des procédures efficaces de prévention des grèves et sur l’organisation concertée d’un service minimum ».
Par la suite, en 2002, la nouvelle majorité s’était engagée à présenter une loi instituant la continuité du service public. Cette intention a débouché sur le plan de «
l’alerte sociale » négocié entre le gouvernement et les organisations syndicales, de la
SNCF, en octobre 2004. Quant au
rapport Mandelkern, sur la continuité du service public dans les entreprises, remis en juin 2004 au gouvernement, il prônait un cadre législatif pour concilier droit de grève et continuité du service public. Ce rapport préconisait notamment d’allonger le préavis de grève, de cinq à dix jours, pour donner toute sa chance à la négociation. Il visait également à obliger certains agents, notamment les conducteurs, à se déclarer individuellement gréviste 48 heures à l’avance, afin que l’entreprise puisse s’organiser en conséquence. Depuis, le
rapport Mandelkern est passé à la trappe. Les syndicats, unanimes, ont dénoncé ces propositions. Ils y voient la remise en cause du
droit de grève. Cependant, de nombreux sondages récents confirment que deux personnes interrogées sur trois sont favorables à l’instauration d’un
service public minimum dans les transports. Le gouvernement a préféré, jusqu’à présent, différer le débat. Pourtant, plusieurs pays européens ont institué le service minimum. En
Italie, la loi encadre l’arrêt du travail dans les services publics. Elle impose un préavis de grève de dix jours, l’annonce d’une durée maximale et un service minimal dans le secteur public. En
Allemagne, la grève n’est que l’ultime recours utilisé par les syndicats en cas d’échec du processus de négociations avec les employeurs. Au
Royaume Uni, les gouvernements conservateurs de
Margaret Thatcher et
John Major ont restreint sévèrement le droit de grève. Le vote à bulletin secret pour décider ou continuer une grève est la règle.
En
France,
Nicolas Sarkozy a souhaité, le 31 août devant l’université d’été du
Medef, une loi instaurant le vote à bulletin secret «
dans les huit jours » pour décider de tout débrayage, pour «
en finir, avec la dictature de certaines minorités ». Ce projet, toutefois, comme le précise au
Monde Arnaud Lyon Caen, avocat au
Conseil d’État est «
une atteinte au droit constitutionnel de grève lequel est individuel ». La proposition de M.
Sarkozy en ferait un droit collectif en le soumettant à la décision de la majorité.
Certes, on peut rétorquer au président de l’
UMP que ce projet semble difficilement compatible avec notre droit et qu’en le réactivant, il cherche à séduire son aile droite. La question, néanmoins, ne pourra pas être éternellement repoussée. Pourquoi la
France serait-elle un des derniers pays européens à ne pas ouvrir le débat sur l’instauration d’un service minimum ? Il ne s’agit pas de remettre en cause le
droit de grève, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 qui représente un symbole de conquête sociale et de progrès démocratique. Mais, la continuité du service public est également un principe général du droit de la République.
Paul BarelliLe billet de Paul Barelli paraît dans le
Petit Niçois
Toutes les news et informations les plus récentes de NiceRendezVous le site internet de l'actualité de l'histoire, des arts et de la culture du Comté de Nice des Alpes Maritimes et de la Principauté de Monaco sont ici.