Malgré les efforts faits en milieu scolaire, la sensibilisation du grand public n’a guère progressé, même si l’article 21 de la loi du 22 juillet 1987 reconnaît à tous les citoyens le droit à l’information sur les risques. Les outils qui existent sont méconnus. Par exemple les « Dossiers Communaux synthétiques », établis par les services préfectoraux, ont pour objet d’informer les populations exposées aux risques naturels. Ils sont disponibles depuis le mois de janvier 2001 pour 107 communes des Alpes-Maritimes, mais qui le sait ?
Lorsqu’un séisme destructeur aura frappé la Côte d’Azur, il sera trop tard, le mal sera fait. La connaissance du passé historique d’une région et l’étude de ses catastrophes naturelles sont des points capitaux pour prévenir les risques du présent.
Dès 1975, le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) avait jugé insuffisant, pour assurer la sécurité des centrales nucléaires, l’état des connaissances de la sismicité sur le territoire français. C’est ainsi qu’a démarré le projet sismotectonique de l’hexagone, vaste opération cofinancée par le CEA, EDF, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières et le Ministère de l’Industrie. Dans la continuité de ce projet, un base de données de sismicité historique a été constituée. En 2000, cette base, dénommée SISFRANCE, a été ouverte au public sur le site internet http://www.sisfrance.net/. Bien entendu, des recherches ont été effectuées dans les Alpes-Maritimes mais elles n’avaient pas fait l’objet d’études très approfondies jusqu'à présent.
Carte du séisme niçois de 1564, dressée par le marchand gênois Francesco Maggiol
(Universitätsbibliothek, Erlangen, Allemagne).
Les travaux sur la sismicité historique locale réalisées par André Laurenti permettent aujourd’hui de mieux cerner, de mieux mesurer les effets qui pourraient affecter notre région et de s’apercevoir qu’en fin de compte, nous sommes bien loin du scénario catastrophe envisagé par certains fantaisistes, du légendaire « Big One », d’un « Nice rayé de la carte » ou encore englouti par un tsunami. Sur la Côte d’Azur et en Ligurie, une magnitude 7 sur l’échelle de Richter est peu probable, pour trois raisons :
- la première tient compte de la situation des lieux par rapport à la frontière de plaque. Très éloignée de cette zone conflictuelle qui suit le contour de l’Afrique du Nord, la région est plutôt soumise à une activité dite intraplaque, conséquence d’un mouvement lent de l’ordre de quelques millimètres par an.
- la deuxième raison porte sur la longueur des failles. Le plus fort tremblement de terre enregistré sur la planète est celui du Chili en 1960. Il a atteint une magnitude de 9.5 pour une longueur de faille dépassant 1 000 km. Il est admis que plus la faille est longue plus le séisme est puissant. Dans les Alpes-Maritimes, les failles actives ne dépassent pas la vingtaine de kilomètres. Le coulissage sur de telles failles générerait un séisme d’une magnitude maximale de 6.
- la troisième raison est argumentée par la sismicité historique. Sur une période de 600 ans, la magnitude des séismes a été comprise entre les valeurs 5 et 6.5.
Cette analyse, plutôt rassurante pour les populations locales, ne doit pas pour autant, conduire à mener la politique de l’autruche. Les tremblements de terre du passé ont quand même provoqué d’importantes dégradations, notamment dans l’arrière-pays et à Menton.
A travers cette étude, le lecteur constatera que l’ampleur des dégâts n’est pas toujours la conséquence directe du séisme, mais plutôt d'un cumul avec les conditions locales (nature du sol, précarité des constructions...). Il est donc important de ne pas construire n’importe où et d’adopter des mesures efficaces de protection du bâti existant.
Le fruit de ces recherches permet de mieux cerner aujourd’hui le problème régional et d’en conclure que les effets induits par un séisme pourraient avoir des conséquences beaucoup plus graves que ses effets directs. Par exemple, l’effet de panique dans une population non préparée, comptant un nombre important de personnes âgées. Ou encore les difficultés de déplacement sur un réseau routier qui rendraient très difficile l’évacuation des blessés et la lutte contre les foyers d’incendie. Dans le moyen et le haut pays, un réseau routier rendu impraticable par les chutes de pierres, les effondrements de chaussée, les mouvements de terrain pourraient occasionner un isolement total ou partiel des populations etc…
Il est certain que les Alpes-Maritimes constituent un bout de France où une folie soudaine de la nature a réuni tous les risques : mouvements de terrains, inondations, incendies, séismes, avalanches… bref il ne nous manque plus que le volcanisme pour avoir la panoplie complète des catastrophes. C’est pourtant là, que plus d’un million et demi d’habitants ont décidé de s’installer.
Cet ouvrage permet d’éclairer ce dossier complexe et ô combien délicat afin qu’on ne puisse plus invoquer, comme c’est trop souvent le cas, la fatalité, afin qu’on ne puisse plus dire : « Nous ne savions pas ! »