Le projet de grande Mairie ira-t-il à son terme? Nice a-t-elle besoin d'une grande Mairie? L'histoire du contre-projet de la gare du sud est toujours d'actualité.
Le fabuleux destin de Mario Basso, (sourire) raconté par lui même!
En 2002, après une année d'étude bien remplie, dans le cadre de mon diplôme de fin d'études d'architecture, je devais faire le choix toujours délicat d'un sujet de thèse. Après avoir bien profité de mes vacances d'été, je me suis retrouvé en septembre 2002 bien dépourvu, car je n'avais toujours pas arrêté le « beau » sujet de diplôme.
Le dépôt étant fixé pour le 7 octobre 2002, le temps me paraissait insuffisant pour trouver « le sujet » et monter le dossier, à tel point que j'étais à deux doigts de reporter mon diplôme à l'année suivante, lorsqu'un petit événement totalement imprévu vint changer le cours de l'histoire (de la petite histoire). Une semaine avant la date butoir, mon vieux PC commença soudain à donner des signes de faiblesse et son disque dur rendit l'âme. Mon fournisseur habituel de l'avenue Thiers étant fermé, je dus me rediriger à pied vers un autre fournisseur informatique situé boulevard Joseph Garnier pour y trouver un disque de rechange.
Le destin était en marche (à pied). Remontant l'avenue Malausséna qui relie l'avenue Thiers et le boulevard Joseph Garnier, je fis la redécouverte d'un monument phare de la Ville de Nice, la Gare du Sud, aussi connue sous le nom de « la Gare du Train des Pignes ». Je ne me doutais pas que cela allait avoir un tel impact dans les mois qui suivirent. Cette gare construite en 1892 par l'Architecte Prosper Bobin connut son heure de gloire au début du siècle créant la seule ligne ferroviaire entre Nice et l'arrière-pays.
En plus de donner vie à un quartier, cette gare a donné naissance à un marché, qui existe encore aujourd'hui, et que toute la ville connaît : le marché de la Libération. En plus de la mise en place d'un transport public entre Nice et Digne, elle développa une ligne de transport de marchandises permettant l'approvisionnement du marché avec les produits frais du terroir. Malheureusement après la guerre, avec le développement des transports automobiles, la Gare du Sud a perdu de son utilité, avant d'être désaffectée quelques années plus tard. Il fut même décidé, en haut lieu, de construire une nouvelle gare du sud, plus en rapport avec les nécessités du moment.Émerveillé par la beauté et la prestance de cette gare, je fus quand même attristé de constater qu'un tel édifice était à l'abandon et surpris de voir cette surface inutilisée en plein coeur de Nice. Le jour même, je décidais d'entamer des recherches en commençant par poser des questions aux habitants et commerçants du quartier. Les réponses de toutes ces personnes se révélèrent fructueuses et en très peu de temps j'accumulais une masse d'information impressionnante. Mon sujet de thèse s'imposait à moi peu à peu et dans les quelques jours qui suivirent, je parvins à monter le dossier.
Le 7 octobre, jour de la présentation du sujet, mon directeur d'études me dit que le sujet était ambitieux car il réunissait à la fois un projet architectural et un projet urbain, et qu'il lui semblait difficilement réalisable dans les six mois impartis pour la faisabilité d'un diplôme d'architecte. Autrement dit, selon mes professeurs, il valait mieux que je réfléchisse à deux fois avant de m'engager dans une telle voie. Pour moi c'était déjà tout réfléchi, la
Gare du Sud serait mon sujet de diplôme. Mon sujet fut approuvé et l'aventure « Gare du Sud » pouvait officiellement commencer.
Pour situer la phase d'étude et de projet dans le temps, on peut concrètement dire que cette phase débuta le 7 octobre 2002 pour se terminer le 27 février 2004. Il me fallut donc une année et cinq mois, pour mûrir et aboutir le projet.
La première étape de mon travail débuta par une importante collecte d'informations concernant la gare et son quartier. Mise à part les archives de Nice Matin et du CAUE, je réalisais rapidement que le reste des informations allait être difficile à obtenir. Naïvement, je pensais qu'en tant que simple étudiant préparant une thèse, les portes s'ouvriraient devant moi. Malheureusement je n'étais pas un simple étudiant, mais l'étudiant qui préparait un projet architectural sur la Gare du Sud, avec la volonté de vouloir conserver le bâtiment dans sa totalité. Or cela était en opposition frontale avec les projets de l'actuel Maire de Nice qui voulait tout raser pour édifier sa nouvelle mairie.
Au cours de mes recherches sur le terrain, je fis la connaissance de l'un des importants personnages de cette histoire, Michel Stève Architecte DPLG et Historien, spécialiste de l'histoire de l'architecture niçoise, il m'a beaucoup aidé dans la compréhension des relations de l'édifice et de son quartier.
Je rencontrai aussi une autre personne importante, François Gross Architecte DPLG, passionné par la Gare du Sud. C'est d'ailleurs François Gross qui avait tenté en 1993 la première action de sauvetage de la Gare, gràce à la création d'une association dénommée « Don Quichotte ». Il m'ouvrit ses archives personnelles, ce qui me permit d'étoffer les miennes et de faire des recoupements de données.
Mais le plus important restait à obtenir. En effet, j'avais pu réunir toutes les données écrites sur la Gare du Sud, mais aucune donnée graphique. Pour se faire, je pris contact avec une personne de la mission d'aménagement du quartier Libération qui me déclara que la mairie n'avait pas ces plans en sa possession et qu'il était impossible de les avoir. J'ai donc demandé à cette même personne la possibilité de visiter la gare, afin d'en faire le relevé.
J'ai obtenu, en présence d'une personne, une autorisation de visite pour une durée d'une heure. Je pense que tout le monde peut comprendre que le relevé en une heure d'un tel bàtiment, la Gare du Sud a 2 679 m2 d'emprise au sol, est impossible. Avec l'aide de mon père, je décidais donc de relever le bàtiment moi-même. Au total, l'opération durera 3 mois en comptant le relevé sur place et la saisie en 2D et 3D sur archicad un logiciel d'architecture.
Ces deux premières étapes auront duré 9 mois au total, 6 mois pour la collecte et l'analyse des données écrites et 3 mois pour le relevé de la Gare du Sud.
Toutes les données étant enfin en ma possession, mon travail pouvait commencer. Il était important de répondre à une question primordiale concernant le destin de la Gare du Sud, la réhabiliter en totalité cela semblait une très bonne idée, MAIS POUR EN FAIRE QUOI ?
Encore actuellement on se pose la question puisque le maire de Nice a réuni un groupe de 40 personnes pour essayer d'y répondre. C'est dire si la question est d'importance. Pour ma part, j'ai déjà proposé ma réponse, voici comment.
Nice, ville touristique, est très tournée vers l'art et la culture.
Moi-même étant proche de ces thèmes, par mes études et mes loisirs, je me suis dit qu'il serait intéressant de les relier à la Gare du Sud symbole spatio-temporel par excellence. Après une visite sur le site, je me suis aperçu que l'école municipale d'arts plastiques était située en face de la Gare. Au même moment trois associations d'artistes, du quartier St Jean d'Angély, étaient menacées d'expulsions.
- Une ville chargée d'art et de culture,
- Une école municipale d'arts plastiques juste en face de la Gare,
- Trois associations d'artistes menacées d'expulsions.
J'avais donc en main trois arguments importants pour asseoir mon projet. Le but étant de transformer la Gare du Sud en un vaste espace dédié à l'art et la culture. Celle-ci permettrait de récupérer ces trois associations d'artistes, de créer des partenariats avec l'école municipale d'arts plastiques, et les petites écoles et collèges du quartier. À terme, la Gare pourrait devenir le pôle artistique et culturel, N° 1, de la ville, et peut être du département, à l'image de la « Friche belle de mai » à Marseille. Et voyons encore plus loin ! Pourquoi ne pas créer des liens avec les pôles artistiques et culturels de France, d'Europe et du monde ! (sourire)
Je pense que le quartier de la libération est l'endroit idéal pour ce genre d'équipement. En effet, le quartier est très bien desservi par les transports en commun, et le sera encore plus, avec l'arrivée du tramway en 2006. Il est situé au coeur de Nice sur l'un des axes, les plus anciens de la ville, et l'un des plus connus. Il est déjà très animé par le marché de la libération. Et pour finir, la nouvelle Gare du Sud, située à 200 m de l'ancienne, permettra de capter toute la jeunesse du haut pays.
Avec l'arrivée du tramway en 2006 une partie de l'Avenue Malausséna sera rendue aux piétons. Cette idée va être utilisée dans le projet. Le concept du « tout piéton » est une idée que l'on voit renaître dans plusieurs grandes villes de France. Dans le cas du quartier de la Gare du Sud, cette idée me paraissait idéale.En effet, celle-ci m'a permis de mettre en relation tous les points névralgiques du quartier, que j'ai appelé des noeuds piétons. Ils m'ont ensuite permis de réaliser le schéma de fonctionnement piéton du futur quartier de la Gare du Sud. Par le biais de cet organigramme, j'en ai déduit le parti architectural et urbain du projet. La Gare du Sud pouvait donc devenir « l'ÉPINE DORSALE » du quartier de la libération.Cette 3° étape fut une partie très importante du projet, car elle me permit de traiter un maximum de données pour aller à l'essentiel.Elle débuta au mois de juin 2003 pour se terminer au mois de septembre 2003.Vient la 4° étape, celle de la conception du projet. Maintenant, j'ai un schéma fonctionnel qui va me montrer les directions à prendre pour concevoir et je sais en quoi reconvertir la gare. Il va falloir simplement trouver comment le faire.
Pour cela, je m'adresse aux associations d'artistes et à l'école municipale d'arts plastiques. Cette démarche me permet de déterminer ce qu'ils souhaiteraient avoir comme types d'espaces et comme types d'équipements. Il en découle le programme de la cité artistique et culturelle. On y trouvera une salle d'expositions, des salles de projection/conférences, des salles de danse, de théàtre, des ateliers de peintures, sculptures, gravures, des studios d'enregistrements audio et vidéo, labo photo, une médiathèque, des jardins, des espaces d'expositions extérieurs, des jeux d'enfants, un parking, etc. Pour être bref, il y aura environ 9 000 m2 de surface utile dédiée à l'art et à la culture.
Malheureusement, cette surface est largement supérieure à la surface de la gare (2 679 m2). Même en créant des niveaux supplémentaires dans la verrière, je ne pouvais pas obtenir cette surface. J'ai donc essayé de réaliser une greffe sur la verrière. L'expérience s'est avérée satisfaisante en terme de surface mais elle ne s'accordait pas avec la réglementation, qui fixe une bande non constructible tout autour de la parcelle. De plus, cette solution engendrait un problème d'esthétique entre la greffe architecturale et la gare elle-même. Celle-ci n'aurait donc pas été appréciée par l'architecte des bâtiments de France et l'architecte en chef des monuments historiques, et déplu esthétiquement aux habitants du quartier.- Une contrainte de surface (9 000 m2),- Une contrainte de réglementation (bande non constructible),- Une contrainte esthétique (sur avis de l'ABF et de l'ACMH).
Après une longue réflexion, je me suis dit que la solution se trouvait dans les trois contraintes que j'avais posées et que le seul moyen d'y parer, c'était d'enterrer les 9 000 m2 du projet et le parking.Cette solution est devenue la RÉVÉLATION du projet.En effet, elle me permet de :
- libérer tout l'espace en surface et de le dédier aux piétons,- mettre en valeur la gare et de lui redonner ses lettres de noblesse- d'aménager tous les espaces nécessaires à la cité artistique et culturelle.
Mais tout n'était pas encore gagné, car cette révélation, aussi belle soit-elle, engendre un nouveau problème. Créer 9 000 m2, sans aucun apport de lumière naturelle est inconcevable. Il fallait donc y remédier et le plus élégamment possible. Après une multitude d'esquisses, j'aboutis enfin à une solution. Réaliser des douves, tout autour de la verrière. Celles-ci permettent une mise en valeur supplémentaire de la verrière en la présentant sur un plateau, ainsi qu'un éclairage naturel de tous les espaces de la cité.Cette quatrième et dernière étape m'obligea à une multitude de changements avant de déboucher sur ce que l'on voit aujourd'hui. Cette évolution aura duré 5 mois, d'octobre 2003 à février 2004.Et nous voici le vendredi 27 février 2004, le jour du diplôme. Malgré beaucoup de stress, l'oral se passe très bien et l'aventure Gare du Sud se termine par l'obtention de mon diplôme d'architecte DPLG, arrosé de quelques coupes de champagne.
Se termine, du moins je le pensais !
Quasiment le jour même, un certain Monsieur Razeau me contacte. Il se présente comme le Président de l'association du quartier des Baumettes (Nice). J'apprendrai par la suite qu'il fait partie des opposants à la destruction ou au déménagement de la Gare. Il me propose un rendez-vous, afin de lui présenter mon projet. J'accepte sans hésiter, et deux semaines après il se retrouve chez moi. Mais il ne vient pas seul. Il est accompagné de François Gross et George Buzzi. Ce dernier est lui aussi architecte, et pas des moindre, car il est l'un des trois architectes ayant réalisé Acropolis (Palais des Congrès de Nice).
Ces trois personnes semblent tout de suite convaincues par mon projet et par l'impact qu'il pourrait avoir. M. Razeau me fait la promesse de trouver une salle pour l'exposer et l'expliquer plus largement. À ma grande surprise, le 18 avril 2004, je me retrouve dans l'un des luxueux salons de l'hôtel Negresco, en train de présenter le projet à plusieurs députés et élus locaux de toutes obédiences. Ce soir-là , il y avait plus de 70 personnes, et toutes semblèrent captivées.
Le 25 avril 2004, la nouvelle est publiée dans la presse locale. Elle ne tarde pas à faire son chemin jusqu'au cabinet du maire. Constatant que les opinions changent autour de lui, le maire de Nice fait publier, quelques semaines plus tard, une alternative à son projet de démolition de la Gare du Sud. Il propose de démonter la Gare pierre à pierre pour la remonter à 700 m de son emplacement originel !
Au même moment encouragé par Monsieur Razeau et ses proches collaborateurs, je décide d'envoyer mon projet au Ministre de la culture en personne.Le ministère se déclare intéressé par le projet, par la nouvelle vision qu'il propose quant à l'usage du bàtiment et après un échange de courrier, je me retrouve, le 12 juillet 2004, dans les bureaux du Ministère de la Culture à Paris, pour le présenter. Pour cette dernière partie de l'histoire, qui reste quand même, la plus surprenante, je devais me montrer plus convaincant que jamais, car je savais que cette présentation allait être importante pour mon avenir professionnel.
Accompagné de Monsieur Christian Razeau et Monsieur Jean Icart (Conseiller général), nous nous sommes présentés dans les bureaux du ministère de la culture. Nous fûmes invités à nous installer dans la salle de réunion du ministère où Monsieur Bernard Notari, Conseiller du ministre et responsable de l'affaire « Gare du Sud », nous reçut. Après une brève présentation des faits, réalisée par Monsieur Razeau, je débutais ma présentation. Peu de temps m'était imparti, il fallait donc que je sois précis dans le choix de mes arguments. J'ai donc commencé mon exposé en démontrant la valeur esthétique du monument.« C'est un bàtiment conçu sur une trame claire et logique. L'architecte s'appuie sur ses maîtres, en s'inspirant de la façade de la Gare du Nord (Paris), conçue par Jacques Hittorff (1861). Cette dernière est tout en pierre, mais Prosper Bobin ne veut pas se limiter à un seul matériau. Il décide alors de composer avec trois matières, la pierre, la brique et la céramique. Par ce mariage de couleurs, l'architecte arrive à donner une àme à chaque élément de la façade, tout en affirmant la richesse architecturale de style grec, néo-grec, classique et médiéval. Cette gare est très représentative de son époque, car elle illustre parfaitement l'esprit du XIX°. Sans oublier qu'elle reste l'un des rares monuments niçois à présenter une telle polychromie en façade ».
Ensuite, j'ai tenu à préciser, l'importance qu'avait accordé l'architecte, à la contrainte qu'on lui avait imposée. En effet, il fut obligé de concevoir le bâtiment en intégrant le pavillon métallique de la Russie et de l'Autriche-Hongrie, récupéré à l'exposition universelle de 1889. Bobin prit en compte cette nouvelle donnée, et adapta en conséquence son projet. J'ai pensé que cet exemple était à suivre.
Puis j'ai orienté ma présentation vers la valeur sentimentale de l'édifice. Pendant plusieurs années, la Gare du Sud a subi les assauts de nombreux projets, dont le seul point commun était son élimination totale ou partielle. Or pour les Niçois, cette gare même en état de mort clinique semble toujours vivante et ce corps de bâtiment garde indubitablement une âme. J'ai pensé qu'il était important de rappeler que cette gare était un symbole de vie. Tel un coeur, elle a irrigué la ville et contribué fortement au développement du quartier de la libération.
Aujourd'hui, et plus que jamais, je suis convaincu que la gare du sud doit rester ce symbole de vie, un trait d'union entre un passé redécouvert et un avenir ouvert. En ce sens, je trouve que mon projet présente une alternative crédible et réalisable, car en plus de répondre à toutes les contraintes du site, il ressuscite un lieu de vie, d'animations, de création et propose un lien tangible entre la mémoire et la modernité.
Quatre jours plus tard, Renaud Donnedieu de Vabres annonçait sa décision de sauvegarder l'intégralité du bâtiment.
Nous sommes le 16 juillet 2004, c'est la presse locale qui m'apprend que la Gare est sauvée. Ce jour-là , après tout ce travail, j'avoue avoir éprouvé une immense satisfaction et l'impression d'avoir fait oeuvre utile pour le patrimoine niçois.
Voilà comment se termina pour moi cette aventure, mais je pense que l'histoire de la Gare du Sud continue … Et qui sait s'il n'y aura pas d'autres rebondissements.
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