PRESSE FAITS DIVERS - Rituellement au coeur de l’été, des torrents de faits divers déferlent dans les médias et il n'était que de voir à Nice, le matin, la une du journal local chez le kiosquier pour le vérifier. Le phénomène n’est pas nouveau. Ce qui apparaît comme singulier, en revanche, c’est la place disproportionnée, attisée par la crise, la concurrence et le net, qu’accordent les médias, en particulier audiovisuels, à ces événements. Durant ces trois derniers mois, « la faits diversite » a pris une forme aiguë, affectant de nombreux téléspectateurs et auditeurs : le stade de la pandémie est désormais atteint. L’Hexagone est touché de plein fouet par un mal, qui n’est pas mortel mais insidieux car il contribue à décrédibiliser le journalisme.
Il ne faut cependant pas traiter avec mépris les faits divers, expression dont l’argot journalistique, « chiens écrasés » ne traduit pas la diversité. Et parfois la valeur sociologique de reflet d’une époque. Parce que « Information », il propose des significations dont les enjeux sociaux et politiques doivent être envisagés, au regard, notamment, des situations de crise qu'il raconte.
Selon la plupart des définitions journalistiques, les faits divers regroupent un type d'événements qui ne sont classables dans aucune des rubriques qui composent habituellement un media d’actualité (international, national, politique, sports, etc. ), et sont par conséquent regroupés au sein d'une même rubrique, malgré l'absence de lien qui les unit. Il s’agit généralement d'événements tragiques, tels que les crimes, les accidents et les catastrophes.
Au départ apanage des conteurs troubadours, le fait divers est d'abord passé par le roman picaresque pour arriver dans les journaux imprimés. Comme l’a souligné Hubert Artus sur le site Rue 89, le fait divers est de la « chair à fiction » Littérairement, il fut traité par le « roman réaliste » par des auteurs qui souvent avaient été journalistes : Kessel, Mac Orlan, Albert Londres, ou encore Simenon, qui amena le fait divers au récit policier. Ce sont d'ailleurs ces auteurs qui, en 1938, fondèrent aux éditions Gallimard le magazine « Détective », fleuron du récit et de l'illustration des faits divers.
Ils peuvent inspirer les plus grands écrivains. Dans un journal celui qui est chargé de cette chronique, se trouve placé « entre le marteau et l’enclume ». Il puise ses informations au contact des autorités et doit respecter à la fois l’accès à l’information et le respect de ses sources. « Fait diversier » est un métier difficile, en voie de disparition, dont s’acquittent en France encore des journalistes dans la presse quotidienne régionale et nationale.
Le fait divers peut mener à tout. À la révélation d’informations qui témoignent d’une certaine liberté de la presse en démocratie. Et parfois au pire. Cet été demeurera dans les annales comme celui où la « faits diversite » aiguë a contaminé de nombreux medias. Sa justification, présupposée, s’appuie sur le credo commercial selon lequel le public est irrésistiblement attiré par les drames, accidents, noyades en tous genres. Cela est sans doute vrai pour une partie des téléspectateurs, auditeurs ou lecteurs. Et les autres ? Il serait significatif d’initier une étude, plus large qu’un sondage, sur la manière dont le public a perçu le déferlement estival de faits divers .
Une véritable hystérie, amorcée par l’immense messe médiatique mondiale consacrée à la mort de Mickael Jackson. Cet événement a donné le la d’un été où se sont succédés les infanticides, parricides, accidents, passages à niveau non respectés, noyades, des faits qui en période d’actualité habituelle ne sont quasiment pas traités. Mais la « boutique médiatique » fonctionne en France sur la justification de l’information de proximité.
La volonté de traiter des sujets « proches des gens » atteint son point limite. Pourquoi, à l’instar de télévisions de service public étrangères, ne pas consacrer plus de sujets à l’actualité internationale ? Il ne faut pas craindre de tordre le cou à la sacro-sainte loi de proximité - que dans certaines rédactions on désigne par la théorie du « mort kilométrique » - un accident d’autocar en France faisant cinq morts occupe la une du JT tandis qu’une catastrophe de plusieurs milliers de victimes en Inde est parfois traitée en bref.
Le public mérite mieux. Il ne s’agit pas ici de donner des leçons de morale journalistique mais d’amorcer une réflexion sur la dérive faits diversière émotionnelle qui est désormais la règle.
Paul Barelli
Le Petit Niçois