Le colloque pluridisciplinaire "
Art chrétien en Méditerranée" qui s'est tenu au couvent des Dominicains de
Nice les 26 et 27 avril 2007, sur le thème "
Visage, Transfiguration et Splendeur" que
Nice-Rendezvous a annoncé mercredi, a connu un très grand succès. Plus d'une centaine de personnes ont participé à chacune des communications d'une très haute tenue. Présidé par
Josiane Rieu, professeur à l'Université de
Nice, ce colloque se proposait de mettre en lumière les liens entre l'image et le visage, entre le visible et l'invisible. Le but a été largement dépassé, au vu de l'intérêt suscité par les diverses interventions. Nous reproduisons ci-après l'essentiel de la conclusion de
Josiane Rieu, qui résume bien les apports de ces deux journées d'études dont le
Cercle Brea de
Nice a le secret.
Résumé de l'intervention finale de madame Josiane Rieu, professeur à l'Université de Nice Au terme des deux journées de rencontre et d'échanges, je voudrais d'abord vous remercier tous pour avoir participé, par vos interventions, vos questions, votre attention, vos qualités d'écoute. Je crois que les dialogues qui ont été ébauchés ici en témoignent bien; des confrontations un peu plus vives, et des efforts réels de compréhension de l'autre ont permis d'avancer dans la connaissance et dans la tentative de partager quelque chose : les conférences nous ont permis de ressentir de tout notre être ce partage.
Partis d'une interrogation philosophique, avec
Jean-François Lavigne (
Les manifestations du visage: approches phénoménologiques à partir de Lévinas et Henry), sur le sens du visage pour l'homme, un visage qui révèle l'autre et qui révèle l'autre à soi-même par la relation à l'autre, nous avons pu ensuite aborder la question de la vérité du visage, avec
soeur Régine du Charlat (
L’Epiphanie du visage humain) : comment ce visage intérieur à tout homme se révèle comme une Épiphanie, à certains moments privilégiés touchant à l'essentiel de l'humain, là où les questions de beauté, de laideur, de jeunesse, de vieillesse n'ont plus vraiment d'importance.
Les Pères de l'Église, nous a montré
Nicole Roland (
Transfiguration et sainteté), ont justement lié la capacité du regard intérieur à la seule lumière du Christ, une lumière paradoxale qui nécessite une transfiguration des sens, comme le centre sombre du nimbe qui se dégageait derrière le juste... C'est en effet le Christ seul qui est et révèle le mystère de l'homme, comme un mystère hypostatique et un mystère de communion.
Le père
Nicolas Ozoline (
L’Icône du Christ) a ravalé les icônes à leur véritable question, à leur véritable sens : la question de la bi-divinité du verbe incarné qui fait se relier l'invisibilité et la visibilité selon ce qu'on pourrait appeler la pulsation de la périchorèse. Avec le Christ, l'humanité réalise la ressemblance à son archétype, et c'est pourquoi l'homme, le saint, est appelé à rejoindre cet archétype. C'est une perception dynamique, ascensionnelle de la vocation humaine qui est proposée et qui se manifeste selon des canons spécifiques. Ces canons sont-ils les seuls possibles ? Ou peuvent-ils s'adapter à diverses «sensibilités» et jusqu'à quel point ?
L'exposé du docteur
Gaston Ciais (
L’évolution de l’Iconographie de la sainte Face) a permis de réfléchir sur l'origine des traits qui servent à la représentation du visage du Christ, à partir de la diffusion de l'image du
Saint Suaire et avec toute une série de variations sur un même modèle. Les techniques modernes tentent de restituer le visage, mais un visage qui ne peut pas être saisi, qui se donne avant tout comme un mystère et qui reste un mystère.
Luc Thévenon (
La représentation du Saint Suaire dans les oeuvres des Alpes-Maritimes) a analysé les connexions entre le temporel et le spirituel, en mettant en relief les enjeux politiques liés aux reliques du
Saint Suaire, un exposé passionnant qui inscrit cette réalité, cette présence, dans l'histoire, de surcroît une histoire proche, celle de
Nice.
Le père
Jean-Louis Balsa (
Visage et Trinité : le visage dans le Mystère de Dieu) a proposé une approche du mystère à l'intérieur des relations trinitaires.
Josiane Rieu (
Lumière et incarnation à la Renaissance : Louis Brea) a analysé la mutation esthétique de la Renaissance comme une tentative de centrer la question du visible de Dieu au travers de la chair humaine elle-même : comment la grâce se lie à l'homme et opère une transformation de l'homme, comment on voit cette transformation à l'oeuvre, ouvrant ainsi le débat sur la grâce au XVIIe siècle.
Le père
Édouard Divry, dont la communication (
Lumière du Christ et transfiguration) a été lue par le père
Michel Filippenko, a proposé d'ouvrir les chemins d'un dialogue entre la foi théologique orthodoxe et catholique romaine sur les notions d'énergie ou de grâce et surtout sur l'expérience mystique commune.
L'expérience d'une oeuvre d'art dans sa dimension sensible a été le fond de l'intervention du père
Michel Brière (
Fra Angelico, le mystère envisagé), une expérience qu'il nous a invités à faire en montrant qu'il y a toute une éducation du regard, à accomplir comme un travail, un travail d'accueil avant tout où l'on peut évoquer la notion de liturgie, qui se manifeste notamment à partir de l'Eucharistie.
De la plupart des interventions concernant l'image et le visage, ressort le remplacement de la notion de face à face par la notion de relation liée à une présence, pour les chrétiens celle de l'Esprit Saint, qui opère les liens de compréhension mutuelle, d'accueil, d'ouverture, de paix, de dialogue, qui permet la rencontre de l'autre. Ces deux jours, où chacun était présent pour essayer partager, sont une invitation à entrer dans la réflexion et à poursuivre de tels dialogues.