HISTOIRE JUIFS d'ALGÉRIE - Le livre « Les trois exils, Juifs d’Algérie », chez Stock, collection « Un Ordre d’idée » de Benjamin Stora historien sensible, spécialiste reconnu de l’histoire de l’Algérie démontre avec délicatesse que se forger une opinion par ces temps de falsification criminelle, à coup d’approximations et de simplifications volontaires, relève de la quête du graal tant les fils de la vérité sont complexes. La présence juive en Afrique du Nord remonte à l’Antiquité ; elle a précédé de plus de 1000 ans la conquête arabe. La présence des premiers juifs dans le Maghreb remonte même aux Phéniciens, il y a trois mille ans. La période couverte par l’essai, que Benjamin Stora dédie à ses parents, concerne le destin récent de la minorité juive en Algérie, de 1830 à 1962. Protégés, après la conquête musulmane, par le statut de « dhimmi », qui leur accordait la liberté de culte, mais les privait de certains droits, les juifs vont peu à peu divorcer des musulmans après la conquête coloniale de 1830. Les Français qui jouent la division entre les communautés vont avec le décret Crémieux de 1870, qui accorde la nationalité française pleine et entière aux seuls juifs, les séparer des autres « indigènes » et les détacher de leur vie en terre d’Islam. C’est le premier exil pendant lequel la communauté va perdre l’usage de la langue arabe avec l’aide active des « Français de confession israélite » période que Benjamin Stora résume en une formule forte « la France colonise l’Algérie, le judaïsme français colonise le judaïsme algérien ».Le second exil, soixante-dix ans plus tard, se produit le 7 octobre 1940, avec l’abolition par le régime de Vichy du décret Crémieux et le retour à l’indigénat trois années durant, sous les lois antijuives de Vichy. Mais aussi après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord avec le refus de Giraud d’incorporer des recrues juives dans l’armée qui part pour l’Italie et la Provence à la reconquête du territoire national.
Et enfin, après l’assassinat du musicien Raymond Leyris, « L’heure terrible du choix arriva dans l’année 1961 », nous dit Benjamin Stora, culminant en cet été 1962 où « dans une vraie débâcle » plus de 95% de ces Juifs, assimilés « pieds-noirs », 130 000 personnes choisissent de s’établir en France, sur l’autre rive de la Méditerranée.
Ainsi, écrit Stora « les juifs d’Algérie se sont déplacés trois fois : hors de la tradition juive en terre d’islam, hors de la communauté française de 1940 à 1943, hors de la terre algérienne en 1962 ».

« Les trois exils, Juifs d’Algérie », de Benjamin Stora ; éd. Stock, collection "Un Ordre d’idée", 240 p., 19 €.

Benjamin Stora qui enseigne à l’INALCO (Langues O.), est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont La Gangrène et l’oubli, La Mémoire de la guerre d’Algérie (La Découverte, 1991), La Guerre invisible (Presses de Sciences Po, 2001), Algérie, Maroc. Histoires parallèles, destins croisés (Maisonneuve & Larose, 2002) et La Dernière Génération d’Octobre (Stock, 2003).