TRADITIONS POPULAIRES - Parmi les fêtes qui rythment l'année, la fête chrétienne de Pâques tient une place privilégiée. Le Comté de Nice est l'une des rares régions françaises à avoir su en conserver le rituel traditionnel.
Ouvrant la Semaine Sainte, le dimanche des Rameaux marque le début de ce "Cycle Pascal" cher aux ethnologues. Aujourd'hui encore, dans toutes les églises de la Côte d'Azur, la fête des "Rampau" -c'est ainsi que l'on nomme les rameaux en Niçois- est célébrée avec ferveur. Tous les fidèles se rendent dans les édifices religieux branchettes à la main pour commémorer l'entrée du Christ à Jérusalem.
Dans le haut-pays, selon la végétation, il s'agit de buis, de laurier, d'olivier. De taille très diverses, ces rameaux ne subissent aucune préparation, si ce n'est l'effeuillage de l'extrémité inférieure. A Nice, outre le buis et l'olivier, on trouve de véritables bijoux, confectionnés sur le parvis de l'église à partir de feuilles de palmier tressées.

Toujours abondamment fournis, les rampau se retrouvent sur les étalages placés, dans les villes, à l'entrée des églises. Ici, un véritable commerce existe, particulièrement alimenté par la production de palmes blanches tressées. Ce sont de jeunes pousses du palmier phoenix dattier, que l'on fait blanchir sur l'arbre en les maillotant, comme le jardinier fait la chicorée. On en coupe sur les palmiers du rivage, on en importe beaucoup de Bordighera et de San Remo. Des artisans tressent ces palmes, composent le long de la tige des motifs étagés de sparterie, une acanthe, une volute, un fleuron, d'où jaillit un plumet. Ils stylisent ces motifs décoratifs suivant la taille de la palme. Il y a des palmes de 0,60 cm et d'autres de l,50 m, sans compter la poignée ni le plumet. Depuis des semaines, on voyait ces «artistes. œuvrer dans les échoppes du Vieux-Nice, où se réfugient les menues industries saisonnières (...). À côté des éventaires, devant l'église, des hommes et des jeunes filles tressent hâtivement des acanthes, des croix élégantes, des croix de Malte, des croix tréflées, potencées, avec des croix d'honneur.
Parallèlement s'est organisé un commerce de rameaux garnis de confiseries destinés aux enfants. Bien que récent, il trouve une origine ancienne dans l'habitude de suspendre aux rameaux des couliandre, fruits secs ou confits, petits gâteaux, pommes... À Roure, les châtaignes séchées et bouillies témoignaient de la fortune et de la bonne récolte passée. À Massoins, ce sont des sucreries, des figues sèches, des pommes; à Saint-Etienne, les familles riches accrochent l'un des fruits les plus rares: une orange. Malgré l'interdiction de Grégoire XIII, au concile d'Aix de 1585, cette tradition s'est maintenue : ne trouve-t-on pas, aujourd'hui, des rameaux artificiels dans les vitrines des confiseurs? L'ostentation dont faisaient preuve certaines familles était parfois source de rivalités. Les enfants défavorisés attendaient la fin de la cérémonie pour insulter les autres et tenter de chaparder leurs friandises. Si certaines en réchappaient, elles étaient dégustées au dessert du repas de midi. Quelquefois aussi, le célébrant distribue des rameaux bénis, qui ont été ramassés la veille par le sacristain. L'ethnologue niçois Paul Canestrier signale que dans une dizaine de paroisses rurales du bas Comté, le Curé bénit de grandes palmes blanches naturelles et en distribue les feuilles aux fidèles qui tressent euxmêmes des croix, des ancres, des étoiles. Les jeunes gens en font, dans l'église même, pendant la longue lecture de la Passion. Ramenés à la maison, les rameaux bénis sont placés au-dessus du lit, généralement sur le crucifix. Dans certaines familles, il arrive que l'on fasse l'acquisition d'un porte-rameaux, un cadre pourvu d'un crochet mobile, simple présentoir. On suspendait quelquefois des rameaux bénis aux basses branches des oliviers (dans la région de Menton), ou des arbres fruitiers (à Bendejun).