Mme Chappuis repassait dans sa tête l’appel discret de la lune qui l’avait sortie du lit vers onze heures. Son arrivée dans la chambre qui donnait sur la place. L’apparition inattendue d’une ombre silencieuse dans la nuit. Les signes échangés avec quelqu’un qui semblait être à leur rez-de-chaussée, l’ombre, et le notaire qui avait ouvert une fenêtre.
Elle avait également aperçu vaguement un homme endormi près de la fontaine. L’ombre lui avait déposé une sorte de branchage dans la main. Une chouette, invisible et sentimentale, s’était alors mise à chanter doucement dans un arbre près du clocher.
Tous ces mouvements mystérieux, loin de l’effrayer, plurent à l’âme de jeune fille d’Anna Chappuis.
Le soleil se levant éclaira dans le lit conjugal M Chappuis qui, pour la première fois de sa vie, ne trouvait pas le sommeil. Anna, la tête appuyée sur l’intérieur de son bras replié, dormait en souriant.
M Chappuis fit des réflexions, il pensa en long, puis repensa en large, méthodiquement, selon les règles qu’il avait toujours appliqué dans son travail.
Il aboutit à la conclusion qu’il s’était passé dans sa propre maison des évènements bizarres. Il résolut, avec la plus grande énergie de ne rien dire et de ne rien faire et se félicita de sa propre prudence.
Au petit déjeuner, il observa son épouse qui, l’air doux, prenait avec dévotion son thé matinal. A midi, il déjeuna de bel appétit et feignit de s’endormir pour surprendre quelque nouvelle escapade de son épouse. En vain, elle ne bougea pas et feignit aussi de s’endormir pour mieux observer son mari. Ils restèrent ainsi dans l’immobilité jusqu’à seize heures.
Alors, M Chappuis, pour ne pas éveiller de soupçons, se leva et partit faire sa promenade quotidienne et méthodique dans le village. Il explora le bas du village, apparemment vide, sans aucun succès. Il revint dîner. A neuf heures on était au lit et malgré tous ses efforts, il ne put rester éveillé que jusqu’à dix heures. Le sommeil s’abattit sur lui avec violence après sa nuit d’insomnie.
A onze heures, Anna Chappuis avait disparu. Lorsque M Chappuis se réveilla le lendemain, Anna était là, paisible, dans sa position de sommeil habituelle et il en fut rassuré.