inset histoire

 

Port-de-Nice
Le port de Nice au tout début du XIXe siècle. Vincennes, Service Historique de l’Armée de Terre.
Garibaldi fut ainsi un homme issu de deux cultures, française et italienne, cultures qui l’amenèrent à s’ouvrir au monde et à sortir de sa ville natale. Le métier de marin qu’il choisit par la force des choses le poussa à voyager dans toute la Méditerranée. À quinze ans, il s’engagea comme mousse, et fit son premier voyage à Odessa. Son deuxième voyage à Rome à l’âge de dix-huit ans, en 1825, en compagnie de son père et sur la tartane familiale, la Santa-Reparata, fut pour lui une révélation et une déception. La Rome des papes, exsangue, corrompue et en ruines, était bien différente de celle qu’il imaginait, mais Rome devint son obsession.

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Il commença sa carrière de marin en assurant les relations avec le Levant, Constantinople ou Taganrog (port russe de la mer d’Azov). Il était un jeune homme exalté, indépendant, maîtrisant les langues, curieux. Il faisait partie de cette génération étouffée par l’ordre contre-révolutionnaire, mystique et réactionnaire imposé par le Congrés de Vienne et les grandes puissances victorieuses de Napoléon 1er, l’Autriche, la Russie, la Prusse et le Royaume-Uni, cette génération qui eut vingt ans sous la Restauration, et qui en 1830-1831 inonda l’Europe et la péninsule italienne de ses rêves et de ses espoirs romantiques.
L’Italie issue du Congrès de Vienne était «une expression géographique», selon le mot du chancelier autrichien Metternich, un morcellement de petits États comprenant la principauté de Monaco, le royaume de Piémont-Sardaigne, le royaume lombard-vénitien administré pour l’empereur autrichien par un vice-roi et deux gouverneurs (à Milan et à Venise), le duché de Parme, le duché de Modène qui annexa le duché de Massa en 1829, le grand-duché de Toscane auquel fut réuni en 1847 le duché de Lucques, la république de Saint-Marin, les États Pontificaux comprenant la Romagne, les Marches, l’Ombrie, le Latium et l’enclave de Pontecorvo et de Benevent au nord du royaume de Naples, et le royaume des Deux-Siciles composé des royaumes de Naples et de la Sicile unifiés en 1816.

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Arrivée de la tartane Sainte Réparate au port de Fiumicino, à Rome, le 12 avril 1825. Rome, Archivio di Stato.
Une grande partie de la péninsule (le royaume lombard-vénitien, la Toscane, le duché de Parme jusqu’en 1847 et celui de Modène) gravitait également dans l’orbite de Vienne, de sorte que les patriotes italiens, héritiers du mouvement des Lumières, dénonçaient le manque d’unité du pays, l’occupation et l’influence étrangère, ainsi que l’esprit de la Sainte-Alliance. Cette dernière, signée le 26 septembre 1815 par l’Autriche catholique, la Prusse protestante et la Russie orthodoxe, doublée de la quadruple alliance signée le 20 novembre suivant avec le Royaume-Uni, garantissait non seulement l’ordre territorial issu du Congrès de Vienne mais aussi l’ordre moral anti-révolutionnaire et anti-libéral en Europe, et plus particulièrement en Italie.

La guerre d’indépendance des Grecs face aux Turcs de 1822 à 1830, et les révolutions de 1830 en France et de 1831 en Belgique, en Allemagne et en Italie, réveillaient les consciences et permettaient à une jeunesse exaltée de croire en un ordre nouveau, respectueux des aspirations des minorités nationales et destructeur de l’ordre de Vienne.
Garibaldi, qui voyageait à cette époque en Méditerranée orientale ne pouvait rester indifférent. Il fit peu à peu l’apprentissage d’une conscience nationale italienne, comme beaucoup de sa génération.

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Garibaldi à Taganrog. Huile sur toile de Italo Nunes Vais. Milan, Museo del Risorgimento.
Voyageant sans cesse, le jeune Niçois fit des rencontres décisives qui l’éveillèrent à la conscience nationale et internationale.
Ainsi, lors de son dernier voyage en Orient, embarqué comme second sur le brigantin la Clorinde, parti de Marseille le 22 mars 1833, il passa la traversée à discuter avec Émile Barrault, qui guidait une communauté de saint-simoniens vers Constantinople.

Ces discussions initièrent politiquement le jeune Garibaldi en l’ouvrant au monde. Le Niçois comprit l’importance des luttes politiques et économiques pour libérer les peuples des tyrannies.
Son univers ne se trouvait plus limité à une vision étroitement nationale et italienne mais s’ouvrait à la question fondamentale de l’humanité.

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Première page de la minute du jugement condamnant Garibaldi et deux autres insurgés à mort, le 3 juin 1834. Turin, Archivio di Stato.
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Après l’échec de la révolte, la Génoise Natalina Pozzo aide Garibaldi à se travestir en paysan pour échapper à la police sarde. Gravure de Matania.
À la même époque, il rencontrait à Taganrog un jeune Génois (peut-être Gian Battista Cuneo) qui l’initia aux rêves d’un de ses compatriotes, né en 1805, Giuseppe Mazzini. Ce dernier, condamné et incarcéré au fort de Savone en 1830-1831 pour actes subversifs, s’était exilé à Marseille en 1831 où il avait fondé une société secrète : Giovine Italia, dont le programme était «Unité, Indépendance, République». Enthousiasmé, Garibaldi y aurait adhéré en 1833.
L’idée de conspirer pour une cause qui lui semblait juste et noble l’exalta au point de s’enrôler dans la marine de guerre du royaume de Sardaigne dans le but de mettre la main sur l’arsenal de Gênes. R. Ugolini émet des doutes sur la réalité de cette histoire. Le fait est que l’insurrection déclenchée le 4 février 1834 à Gênes et en Savoie, échoua piteusement. À Gênes, Garibaldi échappa miraculeusement aux forces de l’ordre, déserta et fuit en France, déguisé en paysan, après dix jours de marche harassante. C’est à Marseille qu’il apprit sa condamnation à mort prononcée par contumace le 3 juin par les autorités piémontaises. Dès lors, ce furent l’exil et les voyages.


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