L’initiation de Garibaldi à Montevideo. Gravure, collection privée.
La dimension européenne à laquelle
Garibaldi était parvenu de son vivant s’exprima par ailleurs dans un engagement maçonnique total et sincère.
Giuseppe Garibaldi, Grand-Maître de pratiquement toutes les obédiences italiennes, se mit au service de la franc-maçonnerie et devint la figure emblématique de l’Italie laïque et anticléricale. En cela, il fut véritablement le
Premier Maçon d’Italie, et au-delà, un fervent défenseur des idéaux maçonniques européens et universels.
Conduit par l’idéalisme utopique que la maçonnerie portait en elle-même,
Garibaldi fut initié à Montevideo en 1844 dans la loge irrégulière «L’Asile de la vertu» puis le 15 juillet de la même année dans la loge régulière du
Grand Orient de France «Les Amis de la Patrie». Mais il lui fallut attendre 1862 pour commencer à assumer les charges les plus hautes des diverses obédiences maçonniques italiennes tout en menant ses combats politiques et militaires.
L’un des rares portraits de Garibaldi revêtu des insignes maçonniques. In Carlo Gentile : Il gran maestro dell’umanità, Bastogi, 1981.
Tablier de Garibaldi. Milan, Museo del Risorgimento.
Le 20 mars 1862, il était élu Grand Maître du
Suprême Conseil Écossais de Palerme (après avoir cependant obtenu en une seule journée, le 17 mars, tous les grades du 4e au 33e), remerciant ses frères non seulement pour leur vote mais aussi pour leur soutien dans la réussite de l’expédition des Mille de Marsala. Il pouvait désormais compter sur la «chaîne d’union» de la maçonnerie libre universelle, car cette obédience était reconnue par les maçonneries américaine et anglaise. La même année, lui était décerné le titre honorifique de
Premier Maçon d’Italie, en l’honneur de son rôle en faveur de l’unité italienne, mais il ne devint Grand Maître du
Grand Orient d’Italie, dont le siège était à Florence, qu’en 1864. Il avait fallu en effet attendre la fin des rivalités intra et inter-obédientielles que sa personnalité suscitait et qui l’avaient empêché de devenir Grand Architecte de l’Unité Maçonnique. En 1867 il était cependant honoré du titre de Grand Maître honoraire
ad vitam de la maçonnerie italienne, et en 1881, il devenait
Grand Hiérophante (97e) du
Rite Réformé de Memphis et Misraïm.
Tablier offert par les dames de Naples. Nice, Musée Masséna. Photo M. Bérard.
L’homme, qui ne s’identifia jamais à un parti ou à une «secte politique», resta toujours un maçon fier et sobre, au service de la maçonnerie. Son engagement maçonnique lui permit d’acquérir une plus grande maturité politique (R
. Ugolini), et l’incita à s’intéresser aux principes de la paix universelle, au mouvement ouvrier italien et à l’Internationale (
L. Briguglio). Les liens qu’il tissa avec les maçons libéraux facilitèrent sa collaboration avec la monarchie piémontaise. La maçonnerie anglaise l’aida et amena sans doute le gouvernement britannique à le soutenir en 1860 en Sicile : le prince de Galles, futur Édouard VII, et franc-maçon notoire ne l’accueillit-il pas les bras ouverts à Londres en 1864 ?
Garibaldi était lui-même entouré de frères dans ses campagnes de 1860, 1862, 1867 et 1870. En 1864, lorsque le bruit courut qu’il montait une expédition dans les Balkans, des frères vigilants l’auraient dissuadé de se lancer dans une aventure qui semblait être une machination destinée à se débarrasser de lui (
A. Mola).
Diplôme de maçon signé par Garibaldi (1867) in Carlo Gentile : Il gran maestro dell’umanità, Bastogi, 1981.
Proclamation de la Maçonnerie italienne pour la mort de Garibaldi. Rome, Museo nazionale del Risorgimento.
Il chercha parfois à placer ses actions contre le Pape sous la protection maçonnique. Ainsi, il voulut faire initier l’ensemble de son état-major le 3 juillet 1862, deux mois avant le drame de l’
Aspromonte, et il encouragea la création d’un fascio (faisceau) de la maçonnerie en 1867, de manière à unir toutes les obédiences contre le Pape et à affermir l’unité politique italienne. L’éthique maçonnique satisfaisait également son amour pour la nature et pour la solitude. Plus que tout autre Italien, sans doute, il fut le porte-flambeau des principes fondamentaux de la maçonnerie : la liberté politique, religieuse et d’opinion ; l’égalité de tous devant la loi ; la fraternité, surtout en faveur des faibles, des nécessiteux et des opprimés ; la justice, le sens de l’intérêt général et la tolérance.
Le
Premier Maçon d’Italie considérait ainsi l’organisation maçonnique comme un réseau apte à unifier les forces dispersées du
Risorgimento italien pour réaliser l’unité italienne.