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Date : XVIIe L'histoire de l'église de l'Annonciation, plus connue à Nice sous le nom de Sainte-Rita, est différente de celle de Sainte-Réparate. En effet, cette église fut longtemps gérée par des ordres religieux. En plus d'être une paroisse, elle fut donc aussi la chapelle d'un couvent. D'autres églises du Vieux-Nice eurent ce caractère. Mais l'Annonciation l'a gardé. C'est ce qui en fait l'originalité. Cette originalité va se concrétiser par la superposition de strates décoratives : thèmes liés aux religieux qui l'occupent, à sa vocation paroissiale, à sa destinée moderne vont s'y entremêler, amenant de successifs changements de noms.
HISTORIQUE SAINT-JACQUES PAROISSE, CHAPELLE DU COUVENT DES CARMES La chapelle Saint-Jacques est citée pour la première fois en 1248, mais ce n'est qu'en 1493 qu'au détriment encore une fois de Sainte-Réparate elle fut érigée en paroisse. En 1531-1576 elle fait l'objet d'un échange entre le chapitre cathédral qui la possédait jusqu'alors et l'abbaye de Saint-Pons, à qui elle est cédée contre Sainte-Réparate. Mais les moines de Saint-Pons ne la conserveront pas longtemps : à compter de 1558, les Carmes, ayant dû abandonner leur couvent du portail de Majesté, s'installent à Saint-Jacques et finissent par en obtenir la tutelle après de longues négociations avec Saint-Pons, qui durent jusqu'en 1590. Ils construiront autour d'elle, dans l'îlot ouest, leur couvent. Au XVIIe siècle, ils s'engagent dans le mouvement général de rénovation baroque et transforment complètement l'antique église en un superbe édifice entre 1677 et 1685. Ils feront aussi édifier le délicat clocher en 1740-1741. Les Carmes seront chassés de leur église et couvent par la Révolution. Le couvent fut vendu en appartements, et l'église transformée en entrepôt.
L'ANNONCIATION CHAPELLE DU COUVENT DES OBLATS La réorganisation des paroisses consécutive au Concordat de 1801 transféra la paroisse Saint-Jacques au Jésus. Bien que rouverte au culte en 1806, l'église perdait son nom comme elle avait perdu ses moines. En 1834, un incendie ravage le choeur et permet une rénovation de la décoration, ainsi que la création de la simple façade (1834-1836). Monseigneur Galvano, tout nouvel évèque de Nice, décide alors de la dédier à un nouveau culte : la chapelle (elle n'est plus juridiquement que cela depuis qu'elle a perdu son titre de paroisse) est alors placée sous le vocable de l'Annonciation. Les Oblats avaient reçu, en 1834, la tutelle de l'abbaye de Saint-Pons. En 1844, Monseigneur Galvano les appelle pour prendre en charge le culte dans la chapelle. Par un étrange retour de l'histoire, Saint-Jacques-l'Annonciation redevint alors simple chapelle dépendant de Saint-Pons, comme au XVIe siècle. Mais alors qu'ils ont quitté Saint-Pons (devenu un service de l'hôpital Pasteur), les Oblats sont toujours à l'Annonciation.
L'ANNONCIATION ET SAINTE RITA C'est en 1934 que le père Bianco, prêtre d'origine italienne, introduisit à l'Annonciation le culte de sainte Rita de Cascia, sur la demande d'une paroissienne qui était très attachée à cette sainte. Cette innovation, si elle ne fut pas initialement du goût de tout le monde, eut une postérité extraordinaire. Patronne des causes perdues, sainte Rita acquit très vite à Nice une popularité immense, si bien que son nom désigne aujourd'hui, dans l'esprit des Niçois, l'ensemble de l'église dont elle n'est pourtant qu'une locataire.
EXTERIEUR ET FACADE Comme souvent dans les édifices niçois, on est frappé par la simplicité de la façade, dont l'ornement unique est l'encadrement de la porte et ses vantaux sculptés (sculptés vers 1845 par le frère oblat Julien Barberis), frappés du monogramme des Oblats. Au linteau de la porte, on devine une inscription rappelant la présence des Carmes dans le lieu. Le clocher est de 1741 et domine une sorte d'amoncellement d'immeubles qui composaient le couvent. Autre caractère niçois, les couvents sont ici souvent en étages : du fait des murailles, la place était comptée en ville et souvent, les ordres religieux durent entasser leurs installations faute de pouvoir les étendre.
INTERIEUR Entièrement restructuré au XVIIe siècle, en pleine floraison du baroque niçois, l'intérieur de la chapelle est d'un luxe et d'une richesse inouïs. Le plan est très clair et simple : une nef rectangulaire conclue par un choeur semi-circulaire, celui-ci étant surmonté d'une étrange demi-coupole. La nef est ornée, latéralement, de six chapelles qui furent entretenues, comme dans toutes les autres églises du Vieux-Nice, soit par des groupes (corporations ou confréries), soit utilisées comme sépulture jusqu'à la fin du XVIIIe siècle par des particuliers, nobles en général.
NEF CENTRALE La voûte de la nef est en berceau simple. Elle fut décorée de fresques vers 1834, lors de la réhabilitation de la chapelle. A partir de l'entrée, la fresque centrale représente La Délivrance de Pierre, puis L'Annonciation qui est le vocable de la chapelle, puis La Vierge donnant le scapulaire à saint Simon-Stock. Dans les tympans des fenêtres, on note, du côté de la porte, au nord, Le Sacré-Coeur de Jésus porté par Marguerite-Marie Alacoque et au sud Le voile de la Sainte Face porté par sainte Véronique. Entre ces deux tympans, quatre allégories symbolisent peut-être diverses vertus : la Foi (avec le calice et le livre, et avec la croix), l'Espérance (avec l'ancre), la Charité (avec le coeur). De deux côtés de l'Annonciation, deux saints docteurs évèques, peut-être saint Augustin et saint Ambroise. Du côté de l'autel, deux anges sont entourés par les quatre évangélistes. A noter, à la clé de voûte de l'arc central, l'inscription «Janua coeli» (Porte du ciel), qui est un des noms de la Vierge dans ses litanies. Au mur du tambour de la coupole, au-dessus de l'autel, on reconnaît L'adoration du Saint-Sacrement.
La visite commence par le bas-côté droit.
1- CHAPELLE DE SAINT ERASME chapelle corporative des marins, XVIIe
A Nice, saint Erasme (ou saint Elme) est le protecteur des marins, comme en témoigne le cartouche au-dessus du tableau central. Toute la thématique décorative de la chapelle tourne autour de cette corporation. Ainsi, dans le cartouche inférieur de l'autel, note-t-on la représentation de divers instruments de navigation : ancre, gouvernail, boussole, etc..., comme à la voûte, en haut à gauche, avec une rame. Au centre de la voûte est aussi lisible la devise du saint, «Iras maris frangit» (Il brise la colère des mers). Saint Erasme lui-même, dans le tableau central (XVIIe, anonyme), étend sa main droite pour presque saisir un navire en perdition. A ses pieds, les angelots tiennent aussi des instruments de navigation. Au mur latéral gauche, on note une représentation de Sainte Rosalie intercédant pour faire cesser la peste, tableau qui renvoie aux dramatiques événements de 1630-1631 déjà évoqués dans la cathédrale Sainte-Réparate.
2 - CHAPELLE DU COEUR IMMACULÉ DE MARIE
Il n'y a pas ici de thématique unique, mais plutôt une réunion de divers symboles. Au maître-autel est représentée la Vierge au coeur immaculé (peint par Cottolengo, frère du saint fondateur de l'hôpital des pauvres de Turin, 1854), représentée en partie sous les traits de la Femme de l'Apocalypse selon saint Jean (couronne de douze étoiles, croissant de lune sous les pieds), le coeur transpercé d'un poignard qui symbolise les Sept-Douleurs. A droite, on reconnaît saint Michel Archange tuant le Dragon, aux pieds de la Vierge et, au registre inférieur, sainte Thérèse d'Avila, le coeur percé de la flèche de l'extase de la Révélation. A gauche figurent saint Gabriel Archange, qui donna l'Annonciation à Marie, et au-dessous saint François-de-Sales. La présence de ces différents personnages sur cette toile, leur lien symbolique reste mystérieux. On notera au bas du tableau les navires pleins de pécheurs qui seront sauvés par leur foi en la Vierge et convergent vers elle. Enfin, au dessus, dans la gloire du rétable, un coeur de bois sculpté, percé du poignard, que l'on peut ouvrir et qui contient la liste des membres de la confrérie fondatrice. Sur la paroi de gauche de la chapelle se trouve un Saint Antoine ermite (anonyme). Sa présence ne s'explique guère ici. En tout cas, à Nice, il était le patron de la corporation des portefaix, qui possédait une chapelle sur la rive droite du Paillon, au débouché du Pont-vieux. Son symbole est un cochon, visible à droite du tableau. En référence à ce symbole, notons que la corporation des portefaix de Nice possédait un cochon, seul autorisé à divaguer par les rues de la ville, à charge pour son propriétaire d'indemniser les dégâts qu'il causait aux devantures ! Sur la paroi de droite figure un Saint Homobon, marchand drapier de Cremone canonisé en 1199 pour son amour des pauvres. L'intérêt du tableau réside dans la présentation de son outillage, contemporain du tableau (ciseaux, outil de mesure en bois, fer à repasser ?) qui peut laisser penser qu'il était aussi un tableau corporatif. Une corporation des garçons-tailleurs et apprentis avait été créée en 1783 et siégeait dans l'église Saint-Martin-Saint-Augustin, où se trouvait encore son tableau en 1948. Elle s'était placée sous le patronage de saint Homobon. Est-ce ce tableau, installé aujourd'hui à l'Annonciation ?
3 - CHAPELLE DE SAINT JULIEN chapelle corporative des tonneliers, XVIIe
Saint Julien d'Auvergne ou de Brioude était un soldat romain secrètement chrétien, martyrisé au IIIe siècle près de Brioude. Le tableau de l'autel le représente entouré de saint Jean-Baptiste à gauche et d'un ange à droite. Il semble en fait être le produit d'une confusion avec saint Julien l'Hospitalier, dont la légende dit qu'il porta un dartreux sous les apparences duquel s'était dissimulé un ange. De plus, l'ange accompagné d'un enfant tenant, au bout d'un fil, un poisson, est l'épisode que nous connaissons du Jeune Tobie et l'ange, déjà vu à Saint-François-de-Paule. Or, dans le comté de Nice, saint Julien est réputé guérir les maladies infantiles. Peut-être est-ce encore du fait d'une confusion, alimentée par la présence de l'enfant sur le tableau ? Par ailleurs, saint Julien était aussi le saint patron des tonneliers de Nice. Le voisinage de la rue Barillerie justifie sa présence ici. Mais en 1754, les tonneliers adhérèrent à la corporation des menuisiers. L'iconographie environnante (à la voûte et aux parois latérales) décrit les différentes phases du martyre de saint Julien de Brioude et de celui qu'une légende fait passer pour son supérieur hiérarchique, saint Ferreol. On discerne à la paroi de gauche une Décapitation de saint Ferreol, datée de 1651 ou 1681, et à la paroi de droite un Miracle de saint Ferreol (au premier plan, des personnages trempent un linge dans le sang du martyr).
4 - CHOEUR
Au-dessus du maître-autel se trouve un tableau figurant L'Annonciation, vocable de la chapelle. Ce tableau a été peint par le Russe Chevelkine (1829) et offert par le tsar à Alexandre Michaud de Beauretour, qui, ayant fui la Révolution à Nice, avait fait toute sa carrière en Russie. Après l'incendie qui ravagea le choeur en 1834, Michaud donna son Annonciation à la chapelle, qui le conserve encore. A noter que, pour la fête de sainte Rita, ce tableau est remplacé par une image de la sainte. Sur le pilier gauche, plaque commémorative à Philippe de Blonay. Remarquer aussi, dans les piliers de la grille du choeur, le calice sculpté portant une hostie gravée, à gauche d'une représentation de la Crucifixion, et à droite, d'une représentation de la Résurrection.
5 - CHAPELLE DE LA MADONE DU MONT-CARMEL
Son culte fut instauré par les Carmes, dont elle est la protectrice. L'ensemble décoratif est dominé par la magnifique statue de marbre de la Vierge à l'Enfant (vers 1760-1771, par J.B. Ansaldi), présentant tous deux le scapulaire. La balustrade, au motif très original, est l'oeuvre de Cornelano (XVIIIe). A gauche, la chapelle abrite aussi deux témoignages de la tradition niçoise : au sol, l'accès de la tombe de la famille des Balduini, comtes de Clans; dans la paroi de gauche, une vitrine où se trouve une représentation de la Vierge, enfant emmailloté de tissus précieux. Ce culte de la Santissima Bambina, qui fleurit en Italie depuis le XVIIIe, trouve dans le comté de Nice ses seules représentations «françaises». On le retrouve en effet à Laghet sous la même forme iconographique. Il semble que ce culte, né à Côme vers 1730, ait été intensément propagé par les Carmes. Il est donc naturel de trouver une Santissima Bambina à Laghet et à Saint-Jacques, puisque ces deux églises étaient desservies par cet ordre religieux : les Carmes conventuels à Saint-Jacques, et les Carmes déchaux à Laghet. Au mur des deux parois, deux scènes liées à la vie de la Vierge (N. Masset, 1854) : à gauche, Sainte Anne, saint Joachim et Marie enfant, en rapport avec la Santissima Bambina qui se trouve dessous; à droite, une Mort de saint Joseph tout à fait classique. 6 - CHAPELLE DE SAINT PIERRE chapelle corporative des pêcheurs, XVIIe C'est une chapelle qui a conservé sa décoration d'origine, surabondante, et dont le thème central est bien sûr la vie de Pierre, patron des pêcheurs. Ainsi, le tableau central (anonyme, XVIIe) figure la Vocation de Pierre, et il est entouré de deux statues représentant à gauche saint Paul (son épée et son livre l'identifient) et à droite saint André, son frère aîné (reconnaissable à sa croix en X). La chapelle est abondamment ornée des symboles de saint Pierre, les clés qui représentent le pouvoir que Jésus lui donna de «lier et délier sur terre et dans les cieux». Les tableaux des parois latérales (datés de 1699) sont d'Abraham-Louis Van Loo. Ils figurent, à gauche, La délivrance de Pierre et, à droite, Saint Jean l'Evangéliste, reconnaissable à son aigle. A la voûte, les mêmes thèmes sont déclinés : La Vocation de Pierre, L'Ascension et Jésus donnant à Pierre le pouvoir de lier et délier ornent l'arc. Remarquer enfin, en liaison avec les pêcheurs, les quatre dauphins stuqués qui encadrent le médaillon central de la voûte.
7 - CHAPELLE DE SAINTE RITA On a dit plus haut que le culte de sainte Rita fut introduit ici en 1934. Il y a donc dans cette chapelle deux strates décoratives successives : celle évoquant la précédente titulaire du lieu, la Madone des Sept-Douleurs et celle évoquant la nouvelle, sainte Rita. Le souvenir de la Mère de Jésus meurtrie par sa Passion et sa mort est évoqué par les instruments de la Passion peints sur la voûte et le tableau de Charles Garacci (paroi de droite) : La déposition du Christ (1840). A la paroi de gauche se voit un tableau représentant Sainte Elisabeth de Hongrie. Ce tableau est la copie presqu'exacte d'un autre tableau de même sujet, visible dans le choeur de l'église du Jésus. Non seulement il figure la sainte, mais aussi deux consoeurs de la confrérie féminine des Pénitentes grises de Nice (les deux femmes vêtues de robes grises qui entourent la sainte pendant qu'elle fait l'aumône). Sa présence ici est inexplicable, puisque la chapelle de la confrérie, si elle déménagea du Jésus à Saint-Gaétan pour revenir au Jésus, ne fut jamais installée à Saint-Jacques. Au centre, la statue de sainte Rita, vénérée par les fidèles, est une oeuvre naïve du début du XXe siècle.
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