Le vendredi qui précède
Pâques, tous les chrétiens commémorent, dans l'affliction, le supplice du
Christ mort sur la croix. Dans les églises, toutes les effigies de
Jésus, tous les crucifix sont voilés. Les portes des tabernacles sont grand ouvertes, les prêtres ne consacrent pas le pain et le vin. C'est un jour de grand deuil, commun à toute la chrétienté. À
Nice et dans le
Comté de Nice, les traditions populaires se démarquent quelquefois du strict rituel liturgique… telle la représentation de la
Passion qui se déroule chaque
Vendredi Saint dans les ruelles du vieux
Monaco, à deux pas du
Palais Princier.
Le matin du
Vendredi Saint, les fidèles se rassemblent dans les églises pour adorer le
Christ crucifié. Sur les marches du choeur un grand crucifix est exposé à leur vénération. Selon le lieu. l'usage veut qu'ils se déchaussent, s'agenouillent trois fois, se signent, baisent les pieds et la plaie au côté du Christ.À
SAINT-DALMAS-VALDEBLORE, on disposait autrefois deux croix, l'une près de l'autel pour les hommes, l'autre près de la porte pour les femmes. Les fidèles descendaient d'abord dans la crypte prier près du reposoir. Remontés dans l'église, ils se déchaussaient, allumaient un petit cierge et s'agenouillaient à quelques pas de leur crucifix. À genoux, ils s'avançaient en récitant une prière en dialecte gavot. Puis, après avoir éteint leur cierge, ils se rechaussaient et sortaient. Durant tout ce temps, le prêtre faisait sa fonction au Maître-autel sans que personne n'y prêtât garde… La population de
ROUBION se rend, nus pieds, au bas de l'autel de la Passion.C'est également déchaussés que les fidèles de
MARIE vont baiser les pieds du Christ étendu dans le choeur de leur église. Le coutumier de
ROCCASPARVIERA, un village aujourd'hui disparu, signale qu'après avoir baisé les pieds du Christ, les paroissiens offraient une chandelle au prieur.Le repas de midi prend un caractère ascétique, Le couvert est dressé sans nappe ; on ne changera pas les assiettes et l'on ne servira ni beurre, ni entremets, ni fruit, ni douceur. Les plats consistent en légumes secs (pois chiches ou lentilles à l'huile essentiellement) poisson, fromages secs et pain. De toute la journée, on ne consomme ni boisson alcoolisée, ni viandes, ni corps gras, ni sucreries. Les cérémonies publiques reprennent au début de l'après-midi, par la commémoration de la
Passion, sous diverses formes.Héritées des
Mystères du Moyen âge, les « Passions » sont de véritables représentations théâtrales que l'on peut rapprocher des
Pastorales. Elles avaient lieu dans au moins quatre villes du Comté de Nice :
MONACO,
SAINT-ETIENNE-DE-TINEE,
LA BOLLINE et
SAINT-DALMAS-VALDEBLORE. Seule, la Passion de
MONACO s'est perpétuée. Elle se déroule la nuit, sur le Rocher et regroupe des centaines de figurants costumés. Ce spectacle original attirait une foule énorme de curieux. Les maisons étaient illuminées, les passages voûtés éclairés de torches. De distance en distance, de petits bûchers flambaient sur de hauts trépieds. Beaucoup de personnes tenaient un cierge allumé. Les musiques, les hymnes fusaient. Les canons de la batterie proche tonnaient. Précédée de trompettes à cheval, la procession faisait des stations à la chapelle du Palais, à l'Église St-Nicolas, à la chapelle de la Miséricorde. Les tableaux vivants se succédaient dans le défilé :
Adam et Ève au paradis terrestre,
Jésus au jardin des oliviers, la trahison de
Judas, chez
Caïphe et chez
Pilate, le roi
Hérode, la
Flagellation, la montée au
Calvaire, les
Trois Marie, le crucifiement, la mise au tombeau. Certains excès dans le comportement amenèrent les autorités religieuses à interdire la représentation. Mais l'intérêt touristique évident d'une telle manifestation en a fait reprendre l'usage.Ailleurs, la communauté paroissiale tout entière participe aux oraisons du
Chemin de Croix.À
VENCE, sous le nom de
Calvaire, neuf chapelles abritaient les stations du Chemin de Croix, représentés par des groupes sculptés qui reprennent la chronologie des épisodes de la
Passion tels qu'ils sont décrits par les
Évangiles. Au
MOULINET, près de
SOSPEL, le chemin de
N. D. de la Menour est jalonné de 14
oratoires à la destination identique.
Il est inutile de rappeler que depuis une époque récente, l'intérieur des églises se charge de panneaux (lithographies, peintures, moulages de plâtre…) devant lesquels la procession marque ses arrêts.Au cours de la cérémonie religieuse de l'après-midi, pendant l'élévation du
Saint Sacrement, un violent tintamarre, à l'intérieur même de l'église, est créé par les enfants et les jeunes gens, munis d'instruments sonores divers. Ces sonneries étaient reprises à l'extérieur, à la fin de la cérémonie. Dans la soirée se déroule, dans certaines localités,
la procession du Christ mort, une sculpture représentant le Christ étendu porté par des Pénitents : à
MENTON,
l'église Saint-Michel est tendue de draperies noires parsemées de larmes d'argent. Des pyramides de cierges brasillent au milieu de la grande nef et autour du tombeau du Christ. Après le chant des lamentations du prophète
Jérémie, tiré de la
Bible, la procession sort.
Les Pénitents Noirs portent le sarcophage en bois sculpté, huit notables tiennent le dais de velours noir brodé d'argent. On va jusqu'au bord de la mer, on s'arrête sur une place où le sarcophage est exposé. La foule immense chante et prie puis la procession retourne à l'église.Un comportement plus proprement liturgique, réglé d'ailleurs par le rituel romain, réapparaît le Samedi Saint.