Plan de construction de la Place Victor - 1782 (Archivio di Stato, Torino)
• Sur le plan de l'histoire urbaine de Nice, on peut éventuellement penser, au vu de la photographie aérienne, que les rues adjacentes dessinent une étoile, qui était peut-être moins évidente avant la construction des massifs floraux... Quant à prétendre qu'elle est parfaite, c'est une autre histoire. Mais surtout, quel est le rapport entre le plan de cette superbe place, dressé par l'architecte niçois Antoine Spinelli en 1782, sur le modèle des "places royales" très en vogue au XVIIIe siècle, et Joseph Garibaldi, né en 1807 et que ses exploits ont commencé à rendre célèbre à partir de 1840 ?
Bof, en poussant un peu plus sur le chemin de la mauvaise foi, on pourra toujours suggérer que Spinelli était sans doute doté de pouvoirs surnaturels exceptionnels !
La place Garibaldi a été ainsi baptisée en 1871 parce que son nom antérieur (Place Victor) faisait référence aux souverains savoyards et italien (Victor Emanuel II régnait alors sur l'Italie nouvelle), tout comme La Trinité-Victor est devenue La Trinité dans les années 50, et parce que Garibaldi, fils de Nice, venait de s'illustrer à la tête de l'Armée des Vosges. Quant au monument qu'elle porte, il a connu bien des vicissitudes, avant d'être définitivement inauguré le 4 octobre 1891. Envisagé avant même la mort de Garibaldi, le principe de son érection est voté par le conseil municipal le jour même (4 juin 1882) où l'on apprenait à Nice la disparition du Héros survenue le 2. Mais ce n'est qu'en 1885 qu'un concours fut lancé, désignant nommément, et pour la première fois, la place Garibaldi comme emplacement (plusieurs projets avaient déjà été présentés, proposant des sites divers comme la colline du château). Le règlement précise bien que la statue devra être érigée "dans l'alignement de la rue de la République". Sa position au centre de la place allait de soi, pour des raisons esthétiques, d'autant qu'à l'époque les contingences liées à la circulation automobile étaient encore inexistantes.
Mais, pour des raisons techniques, il fallut quadrupler la taille du socle et le sculpteur (Gustave Deloye) dut rajouter les deux lions de bronze latéraux, qui ne figuraient pas au projet d'origine, ce qui valut un très léger décentrage au monument.
Esoterico-maniaques, gourous et extra-lucides de tous les pays, réjouissez-vous malgré tout, le monument semble être victime d'une malédiction : c'est d'abord l'entrepreneur chargé de l'édification du piédestal, Dominique Ciotti, qui décéda prématurément, avant la fin du chantier. Et puis ce fut le tour du sculpteur lui-même : Antoine Étex ne put achever son oeuvre (il mourut le 14 juillet 1888 âgé de 80 ans) et le flambeau fut repris deux ans après par Gustave Deloye qui y laissa et sa santé et sa fortune !
Il faut dire que, contrairement à une opinion fort répandue, le monument n'a pas été payé par souscription publique. Celle-ci, ouverte dès le 4 juin 1882, fut un gros échec. Seuls, quelques édiles locaux -et l'ancien président du conseil suisse !- mirent la main à la poche, ce qui explique pourquoi il fallut huit longues années pour réaliser le projet. Et encore, lorsque, en 1890, le maire de Nice fait appel à Deloye pour réaliser le monument à peine ébauché par Etex, il lui arrache un délai de paiement de cinq ans !
Paure Pepin ! Combien de billevesées aura-t-on dites en ton nom !