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CASSINI NICE SATURNE TITAN - Après sept années d'un billard spatial que l’on imagine, comme dans un film de Kubrich, bercé de valses de Vienne, Cassini et Huygens vont terminer leur long voyage commun, trois milliards et demi de kilomètres, dans une apocalypse wagnérienne et musicale, rock and roll.
Sept années d’un bonheur conjugal sans tache, pendant lesquelles il est vrai, Huygens se la coulait douce, Cassini faisant tout le travail, et soudain le jour de Noël une brutale et foudroyante dispute a vu Cassini éjecter, à l’aide d’un mécanisme helvète, Huygens dans la banlieue très hostile de la sombre Titan.
Ce réveil brutal et ce retour à la réalité va être terrible pour Huygens qui dans les prochaines heures va conjuguer les extrêmes dans un sacrificiel voyage au bout de la nuit. Après ces années de quasi sommeil douillet, les dernières cent quarante minutes de voyage de la petite sonde vont être digne d’un Speedy Gonzales spatial. Survoltées.
A 11h13, à 1270 km d'altitude la capsule, d'une masse de 319 kilos et d'une envergure de 2,7 m, sera lancée comme un bolide à 22.000 km/h au travers de l'épaisse et opaque atmosphère de Titan. En moins de trois minutes, Huygens passera de 6 km/seconde à 400 m/seconde, et son bouclier devra résister à une température luciférienne de 10.000 degrés, deux fois celle qui règne à la surface du Soleil. A 11h17 le parachute pilote de 2,6 mètres de diamètre devra se déployer et le bouclier thermique arrière s'éjecter. A 180 km d'altitude, sa vitesse tombera à 1440 km/h et sa chute sera freinée par l'ouverture successive de deux parachutes. À environ 160 km de la surface du satellite de Saturne, le bouclier thermique avant sera largué, les orifices d'entrée des six instruments reproduisant les cinq sens seront ouverts, des perches se déploieront et Huygens devrait commencer à transmettre des données en direction du vaisseau amiral Cassini. La descente devrait durer 137 minutes au total (plus ou moins 15 minutes). Durant cette descente, où elle affrontera des vents très violents, la sonde devra tourner sur elle-même à une vitesse comprise entre 1 et 20 rotations par minute, pour permettre à la caméra et aux autres instruments de voir et de sentir le panorama environnant en entier et pour collecter des échantillons afin de déterminer la composition atmosphérique, mesurer les vents, pression, précipitations, et même capter des sons inédits. A proximité de la surface, Huygens allumera une lampe et sa vélocité ne devrait plus être que de cinq à six mètres par seconde au moment de l'impact à 13h34 - à 15 minutes près - sur le sol de Titan dont on ignore tout.
Si Huygens a résisté au choc et au froid de -180°C, elle pourra encore adresser un "bonus" d’informations pendant deux heures au maximum, le temps pour Cassini de disparaître derrière l'horizon de Titan à 15h44.
A 16h14 Cassini désormais solitaire transmettra les premières données de Huygens à la Terre, via les stations du Deep Space Network de la NASA et le Jet Propulsion Laboratory de Pasadena, jusqu’au Centre technique de l’ESA, à Darmstadt en Allemagne.
Titan constitue un fantastique et unique laboratoire naturel car son atmosphère dite «prébiotique» pourrait ressembler à celle d’une Terre primitive congelée ce qui nous permettra peut-être de découvrir des indices sur la façon dont la vie a émergé sur notre planète il y a 3,8 milliards d'années.
Ce voyage dans l’espace est aussi un voyage dans le temps.
Lors du survol de Titan par Voyager 1, le 12 novembre 1980, les photos de cette lune de 5 150 km de diamètre montrèrent une sphère orange et brumeuse. Opaque!. Cette grande déception fut bien vite compensée par les résultats de l'étude chimique, car cette atmosphère contenant du méthane, de l’acide cyanhydrique et bien d'autres composés, présupposait une chimie organique complexe qui semble avoir de nombreux points communs avec celle de la Terre des origines.
En 1982, Daniel Gautier planétologue de l'Observatoire de Paris-Meudon, qui fut l'un des huit scientifiques non américains à participer à la mission Voyager, eut alors l'idée d'une étude de Titan. Parallèlement un astronome allemand, d'origine chinoise, Wing Hip, proposa d'étudier la magnétosphère de Saturne et c'est ensemble qu'ils répondirent à un appel d'idées lancé par l'ESA en 1982. En 1984, Européens et Américains décidèrent de mettre leurs efforts en commun pour monter l'une des plus ambitieuses missions planétaires jamais imaginée. La Nasa construisit le vaisseau principal Cassini pour étudier les anneaux et les lunes de Saturne, l'Agence spatiale européenne (ESA)se chargea de la sonde Huygens pour étudier l'atmosphère de Titan.
Alcatel Espace à Cannes près de Nice fut l'entrepreneur principal et la première société européenne à relever le défi technologique de la construction d’un véhicule capable de faire face aux conditions draconiennes d’entrée dans l'atmosphère d'une autre planète. "Nous ne savions pas s'il fallait lui mettre des rames ou des roues" assure en souriant André Brahic astrophysicien et planétologue (CEA-Saclay/Paris-VII).
Plus de 4000 personnes aux Etats-Unis et en Europe ont travaillé sur le projet Cassini Huygens. 254 sont des scientifiques internationalement reconnus qui sont responsables de la conception et de l'exécution de 27 expériences. Ces spécialistes accomplis, incluent 120 Américains et 134 Européens. Parmi les pays européens, la France a le nombre le plus important de scientifiques, 50.
Un membre de chaque science sert comme leader d'équipe. Leurs formations sont presque également divisés entre le monde universitaire et industriel et pratiquement tous ont des doctorats. Il y avait seulement un leader d'équipe féminin et une diversité considérable dans leurs âges bien que plusieurs soient bien au delà de l'âge moyen de la retraite.
La France est responsable en particulier de l'instrument ACP (Aerosol Collector Pyrolyser/Collecteur et pyrolyseur de l'aérosol) emporté par Huygens, qui a pour objectif pendant sa descente sur Titan de collecter par filtration des particules produites à partir de molécules organiques complexes. "Il s'agit d'étudier un environnement où la chimie du carbone est aujourd'hui analogue à celle qui s'est produite sur Terre il y a 4,5 milliards d'années", a expliqué François Raulin, exobiologiste à l'université Paris XII directeur du Laboratoire inter-universitaire des systèmes atmosphériques (LISA), l'un des cinquante scientifiques français impliqués dans le projet.
Il ne nous reste plus qu’à souhaiter que la vaillante petite sonde ait pu réussir sa descente et son “alunissage” et qu’elle communique ses données à Cassini, chargée de relayer les informations vers la Terre, avant de s’éteindre définitivement.
Mais quoi qu’il en soit l’aventure continue avec l’inusable Cassini qui pendant les quatre prochaines années fendra l’espace, dansant autour de la planète géante à la magnifique ceinture d’anneaux et aux étonnants satellites de glace.
Si vous voulez en savoir plus, rendez-vous au colloque organisé par l’Irep-come* intitulé, Cassini « Du Comté de Nice à Saturne », le samedi 22 janvier 2005, de 9 heures à 18 heures au Centre Universitaire Méditerranéen, 65 Promenade des Anglais.
Nous n’avons pas fini d’entendre résonner le nom de Cassini.
*L’Institut de Recherches et d’Études Pluridisciplinaires sur le Comté de Nice et l’Europe
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