Il y a quelques mois. On était à table, comme souvent quand on se voit. Ou dans son bureau, ça n’a pas d’importance, sauf que son bureau est dans une maison du XVIIIe siècle qui survit au milieu de la ville, rappel d’un temps où la campagne niçoise fleurissait, jardins, maraîchages, orangers odoriférants, là où maintenant se dressent les immeubles, où se répand l’asphalte, où pétaradent les scooters.
G. me dit : « Et si tu faisais une chronique pour Nicerendezvous.com ? ».
Une chronique ? Quelle idée !
J’en ai déjà écrit, des mots, dans ma vie : pour des compliments à ma maman, le jour de la fête des Mères ; pour des disserts de philo, au lycée ; pour des commentaires, à la fac ; pour des cartes postales ; pour des appréciations, en marge de copies ; pour des discours sérieux ; pour des livres graves ; pour des revues érudites. Mais pour une chronique, jamais.
Les mots, j’aime. Ce sont un peu mes outils, moi qui ne suis pas bricoleur. Les manier, les entretenir, les employer pour la bonne tâche au bon moment, c’est un bonheur, et ça me réconforte, dans un temps où les échanges entre hommes ramènent souvent à Leroy-Merlin. Certes, je n’ai qu’une boîte à outils incomplète, une scie rouillée, deux marteaux (pourquoi deux ?), des clés neuves, plein de clous et de vis indifférenciés, et des vestiges de montages divers de meubles suédois que je ne saurais pas nommer ; mais j’ai une bibliothèque pleine de mots, incroyablement divers et différents, que je retrouve les yeux fermés, et qui me servent, eux.
Alors pourquoi pas une chronique ?
Ceux qui me connaissent et me font l’honneur de me lire pensent sans doute déjà, avec délectation : « Il va nous parler de Nice, de son histoire et de son patrimoine » ; d’autres, me connaissant aussi, pensent la même chose, mais entre « va » et « nous », ils ajoutent « encore », ce qui n’est pas la marque d’une particulière bienveillance.Eh bien non. Ou plutôt oui et non. A G., après avoir réfléchi, j’ai répondu que j’étais d’accord, mais sous réserve de pouvoir ici vous parler de tout.
Tout, mais encore ?
Tout ce dont j’ai envie de vous parler, et singulièrement de mes éblouissements et de mes passions, en supposant qu’ils peuvent être partagés. Ces éblouissements et ces passions me viennent de paysages (pas exclusivement niçois), de créations (pas seulement niçoises), de textes (pas uniquement en niçois), d’ambiances (qui peuvent ne pas se circonscrire à Riquier), de réflexions (qui peuvent ne pas porter sur le passé, le présent ou le futur de Nice). C’est là que réside le non : non, ce ne sera pas une chronique nissardo-niçoise. Nice est belle, elle occupe mon esprit, certes, j’aspire à mieux la connaître et mieux la faire connaître, mais elle n’est pas ma fin en soi.
Et le oui, alors ?
Le oui vient de ce que, partant de Nice, je professe un amour immodéré pour plus grand qu’elle, pour sa matrice profonde, pour un ensemble dont elle est une part, superbe, certes, mais une part seulement : la Méditerranée, ses cultures, ses hommes, ses rivages. Ici, donc, je vous parlerai de Nice mais aussi d’autres lieux, de langue niçoise mais aussi d’autres langues, d’histoire niçoise mais aussi d’autres histoires, et de livres, et de musique, les nôtres et celles des autres. Si l’enthousiasme me saisit, je vous parlerai même d’autre chose, d’autres lieux plus lointains. Et Nice, alors, donc, et le oui ? Vous verrez, on y revient toujours : en vous parlant de cela, je vous parlerai aussi de Nice.
Cette chronique sera donc ouverte et culturelle, du moins je l’espère. Culturelle, voilà une belle présomption et un bien grand mot. Alors je le retire. Elle sera ouverte et passionnelle et n’aura pour moteur que l’envie du partage. De ce fait, d’ores et déjà, je crois nécessaire de vous avertir : il n’y aura probablement pas de papier sur l’OGCN (encore que…), et évidemment jamais sur la vie politique (alors là, non, c’est sûr). A chacun selon ses passions, les miennes, pour des raisons que je garde pour moi, ne vont pas vers ces mondes.
Voilà, le premier mot est dit. D’autres suivront, vous pouvez en être sûrs.