inset identite

 

les-villes-vivantesJ'avoue ne pas avoir une passion immodérée pour le Moyen Age. Sans doute suis-je victime de l'image de temps sinistres et boueux, avec laquelle les Monty Pythons m'ont tant fait rire il y a bien longtemps.  Je sais, d'immenses historiens l'ont écrit, le Moyen Age n'est pas un temps obscur et arriéré, il est, en Europe, une étape sur le long chemin du développement d'un société particulière, la nôtre, pétrie de racines lointaines et d'inventions continues. Mais bon, c'est comme ça, je n'aime pas beaucoup.

J'ai pourtant beaucoup apprécié le livre d'Elisabeth Crouzet-Pavan, Les villes vivantes.  Il m'a fallu d'abord vaincre une déception : comme souvent, la quatrième de couv' vendait un contenu assez différent de ce qu'on peut y lire, puisque, loin d'un tableau général des villes italiennes du XIIIe au XVe siècle, on trouve dans l'ouvrage le texte de plusieurs cours et conférences, vaguement reliés par un propos commun (les "villes vivantes") et principalement centré sur Venise, principal objet d'étude de l'auteur, comme en témoigne sa bibliographie. Autant dire qu'au bout du compte, le lecteur attiré par l'habile séduction du rédacteur du pitch reste en partie sur sa faim.

En partie seulement. S'il fallait une preuve que ce Moyen Age n'est pas le temps des ténèbres gothiques, c'est dans ce livre qu'on la trouverait. En outre, s'il fallait une démonstration que l'Italie a inventé, en matière urbaine, bien des modèles qui nous éclairent encore, c'est bien ici qu'elle est faite. A cette preuve et cette démonstration s'ajoute le talent de pédagogie d'Elisabeth Crouzet-Pavan, qui fait merveille. Je suis convaincu que les uns ne vont pas sans l'autre, sauf à considérer que la science ne sert qu'à faire les spécialistes toujours plus spécialistes sans daigner jamais rendre meilleurs les autres hommes.

La forme de "république communale" que nombre de villes italiennes adopte très tôt, dès le XIIe siècle, est propice à l'émergence d'un sens du bien commun qui se traduit par une gestion raisonnée de l'espace public, voilà ce qu'on découvre ici : salubrité des rues, hygiène des habitations, des hommes et des aliments, assainissement et voirie, aménagements, voire projets et réalisation d'extensions urbaines sont déjà mis en oeuvre alors, par des autorités communales préoccupées d'offrir un cadre plus digne et plus habitable à des populations qui s'accroissent. Le cas de Venise mis à part, puisque ses conditions de survie mêmes imposent cette vigilance, nombre d'autres cités sont concernées, s'appliquent et s'impliquent dans ces actions somme toute très modernes.

Et Nice alors ? Horreur, voilà que je franchis allègrement la ligne tricolore : évoquant l'Italie, j'y associe Nice ! C'est que là encore, je ne crois pas à l'étanchéité des cultures et des frontières politiques, à fortiori chez nous et avant le XIXe siècle. On le sait, plutôt que le long de pointillés cisaillant les Alpes, les vraies différences se jouent, dans la France actuelle, entre les zones atlantiques, les méditerranéennes et les continentales, comme se répartissaient les climats dans la géographie de mon enfance. Par ailleurs, le modèle historiographique français, longtemps plus attentif aux accroissements de la monarchie qu'aux autonomies locales, n'accepta que mal volontiers ces communautés remuantes, parfois rebelles, toujours sourcilleuses. Par conséquent, dans ce cas précis, entre autres, je suis convaincu que les chercheurs, s'ils ne l'ont déjà fait, ont beaucoup à apprendre des républiques communales italiennes lorsqu'ils examinent l'histoire de la Nice médiévale. Mais à ma connaissance, ils ne se sont pas encore livrés à cet exercice. Sans vouloir être injuste (et d'avance je demande l'indulgence des auteurs que j'aurais négligés), le dernier grand ouvrage sur Nice au Moyen Age fut publié en 1898, à Turin mais en français, par Eugène Caïs de Pierlas. C'est le fameux La ville de Nice pendant le premier siècle de la domination des princes de Savoie. A la plume alerte de l'homme pétri d'humanités, Caïs de Pierlas ajoutait une documentation impeccable, tout au moins selon les critères du temps. L'ouvrage fut réédité par le regretté André Bottin, sous la marque de la Librairie niçoise, il y a plus de trente ans. Alors, s'il vous plaît, médiévistes experts, faites comme Elisabeth Crouzet-Pavan et Eugène Caïs de Pierlas, un beau et grand livre sur Nice, ville vivante au Moyen Age.

Elisabeth Crouzet-Pavan, Les villes vivantes -Italie, XIIIe-XVe siècle, Fayard, 2009.

 

 

 

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