Chapitre 4
La maison
Si vous avez raté le chapitre précédent...
Maître Camous proposa de visiter la maison héritée. Ils sortirent sur la placette et se dirigèrent vers l’angle opposé où la lumière jaune d’une lampe à pétrole éclairait les carreaux d’une petite fenêtre.
— Vous voici devant chez vous, annonça le notaire. Regardez par la fenêtre, la lampe éclaire la table où Alphonsine tricotait comme tous les soirs depuis cinquante ans. Tout y est, les aiguilles, la laine, les lunettes, la chaise. Il ne manque plus qu’elle. Il est dommage que vous ne l’ayez pas connue. Pour moi, je passais la voir régulièrement tous les vendredis sans exception pour tenir conversation. Nous nous estimions beaucoup. Vous avez constaté que sa fenêtre reste la seule éclairée sur la placette. Toutes les autres maisons sont fermées, leurs propriétaires étant morts successivement. Et pourtant, il semble que la présence de feu votre tante soit toujours là, discrète comme elle.
Maître Camous dévissa, comme chez lui, la couronne du réservoir de la lampe afin de la regarnir de pétrole. L’odeur envahit la pièce. Il essuya avec un chiffon le bulbe de verre où la mèche se voyait, comme une vipère dans une bouteille de branda.
M Chappuis trouvait Maître Camous un peu familier avec la tante de son épouse. Si ça continue, il va la tutoyer !
Le notaire poursuivit comme s’il avait lu dans ses pensées.
— Tu vas t’user les yeux avec ton tricot, lui disais-je toujours, les orphelins de Nice pourront attendre un peu pour la nouvelle couverture. Mais à plus de quatre-vingts ans, elle était obstinée comme une jeune fille. C’était tout elle Monsieur ! Allez, je vous vois impatient comme quelqu’un de la ville, entrons.
La maison était prête à accueillir ses héritiers. Le sol luisait, l’horloge Comtoise égrainait lentement le temps, le potager était garni de charbon de bois et les marmites de terre rouge de Vallauris n’attendaient plus qu’une allumette pour que brille le feu qui sait si bien mijoter la daube. On descendit à la cave compter les bouteilles alignées dans leurs casiers de fer, puis on remonta dans les étages pour visiter les chambres. Il y en avait trois, petites et meublées d’un lit en noyer, d’une commode ou d’une armoire. Toutes parfaitement blanchies de frais et avec une odeur de lavande et de clous de girofle qui vous suivait jusque dans un couloir qui fleurait bon la cire d’abeille. Des rideaux aux fenêtres, un petit tableau ou une chromolithographie dans chaque chambre.
Où vais-je mettre mes meubles ? pensait M Chappuis. Cette maison est pleine comme une outre. Même les armoires sont remplies de draps de lin inutiles.
On visita tous les recoins avant de terminer logiquement la visite par le grenier et la cave. Un grenier bourgeois, préparé pour l’hiver. Les tresses d’ail suspendues aux poutres, les plans de tomates attachés à l’envers pour tenir jusqu’à l’hiver, les pots de confitures rangés par taille et fruits, les figues séchées alignées sur leur claies et les pièges à souris prêts à fonctionner.
A suivre...