NOUVEAU SUR NICE-RENDEZVOUS : LE FEUILLETON HEBDOMADAIRE La retraite de M. Chappuis « La retraite de M Chappuis » est un roman policier collectif, écrit par la Compagnie So What, qui va paraître durant plusieurs mois sous forme de feuilleton* dans Nice Rendez-vous. * Le terme « feuilleton », désigne un genre romanesque dont un épisode est la suite du précédent et ainsi de suite. |
Chapitre premier
L’arrivée au village
Le tramway s’arrêtait dans la dernière ville. Il fallut prendre une patache pour rejoindre le petit village de l’arrière-pays. Le dernier col péniblement gravi avec les passagers marchant derrière pour soulager les bêtes, la diligence s’arrêta au sommet. Tout le monde remonta dans la voiture qui termina tranquillement son trajet et, les mulets trottinant, elle déboucha sur la place. La rue descendait ensuite, on serra les freins. La carriole frémit et la banquette en bois trembla sous le derrière pointu de M. Chappuis. Il sortit la tête pour voir par la portière. Le vent frais qui s’engouffrait le long des murs soulevait en passant les feuilles des tilleuls de la place. La diligence passa devant le lavoir municipal et descendit dans le village.
M. Chappuis dit à sa femme :
— Nous sommes enfin arrivés.
Ils débarquèrent devant l’auberge.
La place semblait morte. Un chien, le nez entre ses pattes, dormait avec mépris. L’auberge dormait, elle aussi, avec encore plus d’indifférence.
Une graine de tilleul, tournoyant sous son aile jaune atterrit sur l’épaule de M. Chappuis qui l’épousseta d’un revers de main agacé.
Les voyageurs se hâtèrent vers leurs maisons. Les bagages, l’un après l’autre furent descendus et le conducteur éloigna vers la remise la carriole et les bêtes.
M. Chappuis écarta les billes de buis du rideau qui tintèrent discrètement et entra dans l’auberge. Elle sentait le gras recuit, la poussière d’été et le chien de chasse. Le silence régnait du haut en bas de la maison. On entendait simplement une mouche, sur un papier collant jaune, et qui essayait de se tirer d’affaire.
M. Chappuis explora la salle sombre puis la cuisine. Elles étaient désertes. Une cafetière en aluminium blanc, posée sur le coin de la cuisinière dégageait une odeur de café tiède.
Il y avait une grande table au milieu de la cuisine. Dessus, un verre de vin de Bellet à moitié vide, quelques blettes fanées et une tache de lait.
M. Chappuis se retira discrètement.
— Tout le monde dort, expliqua-t-il à Mme Chappuis.
— Asseyons-nous, soupira-t-elle.
Ils s’assirent donc sur une banquette de bois, le long du mur et commencèrent à attendre.
M. Chappuis, assis à côté de sa femme, évitait d’appuyer sa veste noire contre le mur. Il craignait le salpêtre. Il passa par l’impatience puis la mauvaise humeur.
Mme Chappuis s’endormit. C’était sa manière à elle de l’accompagner.
M Chappuis demeurait éveillé, par tempérament et par méfiance. Il surveillait ses bagages. Il avait le culte de l’heure, du temps ordonné et mesuré, et une crainte innée de l’inconnu.
Il entendit alors un bruit à l’étage.
Dans l’escalier qui descendait des chambres, il vit apparaître dans l’ordre les pantoufles, les jambes, le torse puis la tête de l’aubergiste. C’est ainsi que M. Costa apparut, vers seize heures, devant M. Chappuis. Il dit avec un sourire encore ensommeillé :
— Mme et M. Chappuis ?
Sans attendre de réponse, il se servit un bol de café tiède et remis une bûche dans le fourneau de la cuisinière.
Une petite bonne grassouillette apparut à son tour et s’assit à la table. Elle fit quelques dessins avec son doigt dans la tache de lait.
M. Costa appela une fille de salle, une certaine Mion, robuste et vêtue de noir, qui prit les bagages à bras le corps et monta l’escalier. Mme Chappuis la suivit en trottinant et monta avec elle à l’étage.
M. Chappuis remit ses gants noirs et sortit à la recherche du notaire.
A suivre...