Les Niçois s'apprêtent à commémorer, le samedi 24 et le dimanche 25 juillet 2004, le cent-cinquantième anniversaire de la Vierge du Malonat dans le Vieux-Nice.
Organisée par li prioulessa (les dames patronnesses de la Vierge), le diocèse niçois et la Ville de Nice, cette cérémonie rappelle qu'en 1854, la Vierge Marie, sous le vocable de Notre-Dame du Bon-Secours, protégea le quartier du Malonat d'une épidémie de choléra.
En cette année anniversaire, nous pouvons évoquer à grands traits l'histoire de cette tradition cent-cinquantenaire manifestant la piété populaire des Niçois au cœur de la vieille ville.
Lou Malounat : du " chemin pavé " au quartier des pêcheurs.
La rue du Malonat (du camin malounat, " du chemin pavé de malons ") reliait au Moyen age la ville basse et la ville haute. Selon nombre d'historiens, s'y trouvaient à son somment, la Tour de l'Horloge et le Palais Communal. La Tour appartenait à la famille Galléan, navigateurs et armateurs niçois, qui édifièrent au bas de la rue du Malonat un palais aristocratique à la période baroque. Au XVIIe siècle, les jésuites s'établirent à proximité (église du Gésù) puis, soutinrent les Bernardines à fonder, au sommet de la rue, un couvent et une chapelle dédiée à Notre-Dame du Bon-Repos détruite lors du siège français en 1706.
C'est probablement à la suite de la destruction de la citadelle du Château que la rue du Malonat devînt une impasse. Au cours du XVIIIe siècle, l'un des îlots du Malonat fut placé sous le patronage de St Pierre, ce qui n'est pas sans raison puisqu'au lendemain de la Restauration Sarde, en 1815, un recensement de la population compte un grand nombre de pêcheurs établis dans le quartier du Malonat .
D'ailleurs, les drapeaux de St Pierre et de Notre-Dame du Bon-Secours (protectrice des gens de mer) que l'on voit flotter lors de la fête du Malonat encore aujourd'hui, ainsi que la bannière offerte par les Dames de la Halle aux poissons, témoignent de la dévotion des prioulessa parmi lesquelles on compte de nombreuses pescairis et revendeiris de poissons.
Notre-Dame du Bon-Secours,
protectrice contre le choléra, août-septembre 1854
L'origine cette tradition religieuse prend sa source dans la période sarde, peu avant le Rattachement de l'ancien Comté de Nice à la France en 1860. |
Le centenaire de la Vierge du Malonat, mai 1954
La tradition mise en branle, ce " vœu d'une communauté de quartier " ne connût pas d'interruption jusqu'aujourd'hui. Les administratrices du culte veillent à la pérennité de la coutume et sont chargées de décorer la rue, de fleurir l'oratoire, d'accueillir les officiants et les édiles locaux lors de la fête votive. On ne saurait trop insister sur la concomitance historique existant entre la tradition du Malonat et la proclamation du Dogme de l'Immaculée Conception en 1854. Les autorités ecclésiastiques ne manquèrent pas de l'évoquer lors des célébrations du centenaire de Notre-Dame du Malonat en mai 1954. En effet, ces cérémonies furent " unies ", en cette année mariale proclamée par le Pape Pie XII, au centenaire du Dogme de l'Immaculée Conception. |
L'Assouciacioun doù Malounat et
le cent-cinquantenaire de la tradition, juillet 2004 Depuis 1997, les dames patronnesses se sont constituées en association et la festa doù Malounat a intégré les " traditions niçoises de la Ville de Nice ". La fête votive fut déplacée au dernier dimanche de juillet. Remplaçant les veillées nocturnes, une procession aux flambeaux mène, désormais, la statue de la rue du Malonat vers l'église du Gésù, le samedi soir. Et le lendemain, le cortège reconduit la statue jusqu'à son oratoire, " embelli ", en 1966, selon le souhait formulé par le maire de Nice Jean Médecin peu avant son décès. Pour commémorer le cent-cinquantenaire de la Vierge du Malonat, l'Assouciacioun doù Malounat organise des festivités, une exposition de photographies du quartier, des conférences et invite toutes et tous à participer à cette célébration. |
Programme des Conférences du 22 mai 2004 La vie religieuse niçoise au XIXe siècle et le vœu du Malonat. 10H15 : Pause |
150 ans de tradition religieuse dans le Vieux-NiceEs me touplen de plesì que l'Assouciacioun dóu Malounat participa au coulòqui dedicat ai 150 an de la Fèsta dóu Malounat. Ensen m'éu a entrahinat d'autre jouve, de Proufessour, de President d'Assouciacioun, de Preire que nen fan l'òunour de si jougne à nautre per partajà li sieu counouissença. Nouòstra tradicioun es naissuda en lou 1854 da la voulountà de Don BARRAJA de la Paròquia doù Gesù e de quatre prioulessa. Bouòni frema dòu poble qu'an maiat de maire en filha un ligamen que s'es jamai alachat. Per festà lu 150 an aven pensat qu'un' espousicioun de fotò serìa la benvenguda. Va cuntà la moudesta istoria dei nouòstre antenat qu'an vieugut aquì : pescadou, remendièri, revendeiris, cigalusa e finda lu moumen privilegiat de la Festa de la Santa Vierge. Quoura lu bei jou revenon es en ela que pensan e si radunan davan l'oratòri per alestì li journada de julhet. Es devengut despì un ritual. Couma cad'an, li meteren touta la nouòstra bouòna voulountà e la nouòstra fet. Couma dihìa ma maigran, Babeta, prioulessa : "Aven da besoun de Dieu e de tout lou mounde !". Aloura gran merci en toui per la vouòstra ajuda : Assouciacioun, Proufessour, Amic ; à la Municipalità e au Dioucèsi tamben. Elisabeth BONDANELLI |
1854-2004 1854-2004, cent cinquante ans, cent cinquante années qui ne sont pas, dans l'Histoire, des plus anodines. Un contemporain du vœu de 1854 ne reconnaîtrait sans doute guère aujourd'hui, son monde : Nice n'est plus sarde, mais française ; le régime n'est plus une monarchie, mais une République ; le catholicisme n'est plus la référence culturelle majeure, mais une parmi d'autres ; l'Eglise n'est plus " tridentine " mais " vaticane " ; le Vieux-Nice n'est plus toute Nice, mais un de ses quartiers ; les " contagions générales " ont disparu, en Europe tout au moins. Il paraît donc bien nécessaire de réunir des scientifiques de toutes disciplines pour explorer comment ces changements ont agi sur cette fête magnifiquement simple qu'est la fête du Malonat, enracinée dans un quartier de la Vieille Ville plein de charme et de quiétude. C'est ce qu'entreprend Dominique Bon, avec le concours des habitants du Malonat comme la participation de chercheurs particulièrement qualifiés pour nous faire saisir " ce qui change et ce qui ne change pas ". Cette réunion s'inscrit aussi dans le même calendrier que la célébration du centenaire, en 1954, et dans les mêmes lieux qui légitimèrent le vœu de 1854. Cette cohérence dans la recherche, dans la localisation dans le temps et l'espace est un élément de compréhension supplémentaire, auquel on ne peut que souscrire. Gageons même qu'en 2054, pour le bicentenaire, cette journée d'étude et ses conclusions deviendront un objet scientifique qui enrichira encore la connaissance des processus de transmission et d'adaptation de longues traditions, tout en faisant vivre dans les siècles le souvenir des femmes et des hommes, humbles ou lettrés, qui y mêlèrent leur vie. Hervé BARELLI |
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