HISTOIRE DU MONDE HISTOIRE DE NICE
CHRONOLOGIE et SYNCHRONICITÉ, deux mots grecs bien longs pour rendre compte d'une chose : l'Histoire du monde ne s'est pas déroulée qu'à Nice. Cela va sans dire, penserez-vous et, comme le disait Talleyrand, cela va mieux en le disant. C'est un ouvrage majestueux, un pavé, qui a encore accru cette certitude, intitulé Histoire du monde au XVe siècle. Ce livre s'inscrit dans un vaste mouvement qui se développe depuis quelques années, celui de la world history, c'est à dire de la nécessité, pour comprendre chaque phénomène local, de le confronter à ce qui se passe à des échelles plus larges. Depuis le XIXe siècle et la naissance des études historiques scientifiques, nous étions accoutumés à pratiquer cet exercice jusqu'au niveau européen. Il s'agit aujourd'hui de le dépasser pour atteindre la planète dans son entier, tout en modifiant par ailleurs notre regard sur les histoires de chacune des parties de cette planète. Jusqu'à nos jours, elles n'étaient examinées qu'à l'aune de leur rapport avec les cultures européennes. Voilà qu'il est question, maintenant, de leur restituer leur propre logique et leurs mouvements internes. La science y gagnera ce que l'orgueil, voire la vanité y perdra, et c'est tant mieux.
A la lecture de cet ouvrage splendide et monumental m'est venue l'idée de me livrer ici à un petit jeu, un moment de loisir sans objet si ce n'est celui des rapprochements inattendus. Et voici ce, qu'en quelques dates, on peut obtenir.
Le 17 janvier 1400, les Grimaldi de Beuil, qui s'étaient rebellés contre le comte de Savoie, s'estimant lésés par la tournure que prenaient les affaires niçoises alors qu'ils avaient été les chevilles ouvrières de la dédition de 1388, signaient la paix avec Amédée VIII. La même année, au Vietnam, la dynastie Hô chasse la dynastie Tran. Cette usurpation provoque l'intervention de la Chine qui de fait vise à s'emparer du pays. La présence chinoise est fort mal vécue; les populations se rebellent, entraînant l'armée chinoise dans une épuisante guérilla qui se conclut, en 1427 par le retrait des occupants et l'émergence de la figure du premier héros national vietnamien, Lê L'oi.
En janvier-février 1436, mécontente de la forme que prenait la domination des Savoie, une partie de la population de Nice se rebellait à son tour. En mars, au moment où on consacrait à Florence la nouvelle coupole de la cathédrale due à Brunelleschi, elle était matée.
En 1440, le duc de Savoie fit rénover le château et surtout édifier une nouvelle enceinte, propre à défendre plus efficacement la partie sommitale de la colline où se trouvait encore la ville haute. C'est l'année où est proclamé le souverain aztèque Moctezuma Ier.
En 1448 est créé à Nice le consulat de la Mer, premier tribunal de commerce de notre histoire. C'est aussi l'année où le patriarcat de Moscou se sépare de celui de Constantinople.
Enjambant une deuxième moitié de siècle apparemment très calme (et c'est heureux, car les tempêtes de ce siècle étaient ravageuses, qu'elles fussent politiques, sociales ou météorologiques), nous arrivons enfin en 1492. Deux jours après la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, Jean Canavesio signait à La Brigue l'achèvement des fresques de Notre-Dame des Fontaines. La même année, la duchesse de Savoie donnait à la ville de Nice ses nouveaux statuts communaux, qui allaient régir sa vie politique, sans grandes altérations et malgré les vicissitudes, jusqu'en 1848, et François Pellos publiait à Turin (faute d'imprimerie à Nice) son traité pratique d'arithmétique commerciale, le Compendio de l'abaco, premier texte en langue niçoise jamais imprimé. C'est aussi l'année de la mort de Dammaceti, souverain législateur et fondateur de ce qui allait devenir la Birmanie.
Pour l'ensemble de ces événements, tout lien avec l'actualité est évidemment fortuit et involontaire.
Histoire du monde au XVe siècle, sous la direction de Patrick Boucheron, Fayard, 2009.