CARNAVAL de NICE 2006 (Nice Rendez-Vous) — Sa Majesté Carnaval CXXII, le débonnaire roi de carton-pâte de la Côte d'Azur, arrive cette année fort à propos dans sa bonne ville de Nice. Pour sa première sortie, en nocturne, samedi 11 février, on aurait presque pu refuser de croire à une coïncidence tant le thème choisi -l'année dernière !- par ses organisateurs colle à l'actualité. Proclamé Roi des Dupes, il renoue malicieusement avec la vieille tradition de dérision qui a fait son succès dans le passé, brocardant allègrement le monde politique, les modes "tendance", les "people" et toutes les idées reçues. En pleine polémique sur la liberté d'expression et le droit de caricature et donc à la dérision, difficile de faire mieux !
Certes, aucune caricature du prophète ne déambule dans les rues de Nice. Depuis 1980, année de l'immortalisation de l'ayatollah Khomeiny par les carnavaliers niçois sur les panneaux lumineux de la place Masséna, et les menaces de mort qui avaient suivi, Sa Majesté Carnaval s'était réfugiée dans une prudente réserve. Exit l'impertinent trublion du "Jour des Fous" et bienvenue à la bedonnante marionnette bien-pensante et politiquement correcte ! Le souverain s'enfonçait inexorablement dans la déprime, puisant dans le vaste réservoir de la technologie et des effets spéciaux les ressources nécessaires à sa survie. Il ressort enfin du trente-sixième dessous, et de belle manière, pour cette édition 2006. Dans sa grande bonté, le malicieux souverain accorde une place d'honneur à ses vassaux. Bien évidemment, les chars consacrés aux hommes politiques ont toutes les faveurs de ses sujets, très nombreux sur la Promenade des Anglais et autour du Jardin Albert 1er où cette année encore, se tenait le défilé, travaux de contruction de la ligne du tramway oblige ! Mais le Roi Carnaval est-il vraiment dupe ? Ceux-là vont passer mais lui, tel un phénix, renaîtra l'année prochaine des cendres auxquelles il est fatalement condamné le 28 février prochain...
Ce sont, sans constestation possible, les deux chars vedettes de ce premier corso : celui de l'Employeur d'abord, représente le Sénateur-Maire de Nice, Jacques Peyrat, paré de l'écharpe symbolisant ses fonctions, afin qu'on ne puisse pas ne pas le reconnaître. Assis derrière un vaste bureau, masqué par d'épaisses lunettes noires, il manipule des marionnettes dans lesquelles chaque Niçois croira reconnaître qui un chef de service, qui un conseiller, qui un proche collaborateur du Maire. Le peu flegmatique Jeremy Banks, auteur britannique de la maquette de ce char renoue ainsi avec une vieille tradition de tous les Carnavals du monde, que Nice a déjà connue dans le passé : Jacques Médecin ne s'était-il pas fait représenter en 1980, en lieu et place du guide de la révolution iranienne, lorsque son effigie avait du être démontée ?
Un second char connaît le même succès : Don Villepin et Sarko Pança, réalisé par le Niçois Eusébi. Là, les deux rivaux pour l'élection de l'année prochaine tentent de pourfendre des moulins où les présidentiables socialistes ont trouvé refuge...
Toujours dans le même esprit, "La Bonne éducation", de l'Italien Gianni Chiostri, dessinateur à La Stampa, représente le double visage de Jacques Chirac et de Tony Blair se serrant la main, face avant tout sourire et face arrière au nez pincé ! Le double visage est d'ailleurs le symbole de ce Royaume de la Duperie que devient notre bonne ville le temps d'un Carnaval qu'on peut, une fois n'est pas coutume, qualifier de "grand cru".