SACRISTIE Plus modeste en mobilier que les autres sacristies des grandes églises paroissiales, la sacristie de la chapelle de la Miséricorde recèle pourtant des trésors picturaux inégalés. Tous (ou presque) étant antérieurs à l'installation de la confrérie dans la chapelle, on peut penser qu'ils ornèrent, selon la date de leur confection, les précédentes chapelles, que ce soit celle de la cathédrale du Château ou celle voisine de Sainte-Réparate. VIERGE DE MISERICORDE de Jean Miralhet Ce retable a été confectionné en 1429 par Jean Miralhet (ou Miralheti, sa signature apparaît à droite, entre saint Sébastien et saint Grégoire : «hoc pinxit Joh(an)nes Miralheti»), peintre actif en Provence et dans le comté de Nice au XVe siècle, probablement secondé par des élèves. Il se décompose en trois parties : un triptyque central, une prédelle (registre inférieur) et des figures de saints (registre supérieur). Le triptyque porte bien sûr, en son centre, une Vierge de Miséricorde conforme aux canons que nous avons détaillés plus haut. Dans le fond doré de l'oeuvre, des anges ont été guillochés dans l'épaisseur de la peinture, et sont à peine visibles. La figure de la Vierge reste encore empreinte d'art médiéval, hiératique, inspiré de l'art byzantin, malgré l'amabilité de ses traits. Sur les côtés de la Vierge de Miséricorde sont présentées des figures de saints : à gauche, saints Côme et Damien, deux protecteurs des médecins parce que médecins eux-mêmes, représentés en train de fabriquer une potion dans un mortier. A droite saint Sébastien, protecteur contre la peste (rarement représenté vêtu, mais arborant la flèche de son martyre, symbole de la peste) et saint Grégoire-le-Grand, invoqué dans les mêmes circonstances. On peut considérer que cet ensemble invite la Vierge à protéger l'humanité contre la maladie et l'épidémie. La prédelle présente trois épisodes de la Résurrection, quoique chronologiquement désordonnés : à gauche, l'Apparition du Christ à Marie-Madeleine, au centre la Mise au Tombeau, à droite les Saintes femmes découvrant le tombeau vide. Respecter l'ordre aurait exigé de placer le Tombeau à gauche, la découverte au centre et l'apparition à droite. Enfin, au-dessus du triptyque sont disposées quatre autres figures de saints entourant une figure du Christ : à gauche saint Etienne avec une pierre sur la tête (il a été lapidé), saint Laurent avec un gril (instrument de son martyre); à droite saint Valentin (avec un calice d'où sort un scorpion) et sainte Petronille. Au centre, un Ecce homo domine deux anges tenant un drap, peut-être une allusion au Saint-Suaire. VIERGE DE MISERICORDE de Louis Bréa. Ce tableau est au centre d'un triptyque dont les deux tableaux latéraux sont très postérieurs, ajoutés au XIXe siècle. C'est bien sûr le tableau essentiel de l'ensemble. Attribuée à Louis Brea, elle aurait été peinte vers 1515. Le thème est classique, mais ajoute à ses caractères habituels la représentation d'une Vierge couronnée, et non pas simple femme comme chez Miralheti. Les anges qui la couronnent déploient autour de sa tête deux devises qui portent des textes de dévotion à la Vierge. A la droite de la Vierge (gauche du spectateur), un château et une ville apparaissent en fond, qui pourraient être une vue de Nice au XVIe siècle, la plus ancienne connue. Les deux panneaux latéraux sont bien moins intéressants. Ils ont été peints par un certain Rossi, vers 1829. Le panneau de gauche figure saint Charlemagne, l'empereur, et celui de droite saint Siacre, créateur (?) de l'abbaye de Saint-Pons et un des cinq fondateurs de l'Eglise de Nice. Siacre présente au spectateur, dans sa main droite, la chapelle Saint-Gaétan. Derrière son bras gauche se dessine l'abbaye de Saint-Pons et son église baroque. AUTRES OEUVRES A l'arc séparant la pièce en deux, une Aumône de Miséricorde inspirée de l'oeuvre homonyme du peintre romain Annibal Carracci (1595), qui rend hommage aux oeuvres caritatives, et donc rappelle l'action des Pénitents. Ce tableau est une copie de Carracci datée du XVIIe siècle. Le peintre qui l'a faite, sur commande de la confrérie, y a ajouté le personnage central : il s'agit sans doute de Jean-Paul Lascaris de Castellar, grand-maître de l'ordre de Malte, qui fut prieur de la confrérie au XVIIe. De même, sous la colonnade à droite, la procession de Pénitents noirs en cagoule (crucifix tourné vers eux) a été ajoutée par rapport à l'oeuvre originale, sans doute par révérence pour la confrérie. Sur le pilier de gauche, une Vierge allaitante, sujet rare de l'iconographie chrétienne, intéressant tableau du XVIIe. En face, une Pietà surprenante de réalisme dans la position de la tête du Christ, complètement déjetée, position très réaliste sans doute inspirée de la vision d'un vrai cadavre. On peut d'ailleurs la rapprocher de la Mise au tombeau, au centre de la prédelle de Miralheti, qui donne aussi cette position. Au revers de la porte d'entrée, un Reniement de Pierre de style caravagesque, toujours XVIIe. On peut aussi remarquer deux parchemins du XVIIe siècle, signés des ducs de Savoie Charles-Emmanuel Ier (1580-1630) et Victor-Amédée Ier (1630-1637) confirmant le privilège de grâcier les condamnés à mort. Ces parchemins sont pourvus d'une remarquable ornementation colorée, reprenant les divers symboles de la confrérie (Vierge de Miséricorde, tête de saint Jean-Baptiste), et les armes des Savoie. |
LA VIERGE DE MISERICORDELa Vierge de Miséricorde est un thème iconographique très répandu dans la chapelle homonyme, et visible parfois ailleurs. Ce thème possède des constantes, qu'il s'agit de présenter maintenant. La Vierge de Miséricorde ouvre son manteau pour protéger les chrétiens des atteintes du mal. Ce manteau est parfois même, à l'extérieur, piqueté de flèches symbolisant ce dernier. A l'abri de ce manteau se groupent les chrétiens, aux pieds de la Vierge. Toutefois, leur position n'est pas innocente. La gauche de la Vierge (à droite du spectateur) est le côté le moins noble, par rapport à sa droite (à gauche du spectateur). Cette idée fonctionne par analogie avec le Christ, dont la droite élève les élus, et la gauche rabaisse les méchants (ainsi, dans le Jugement dernier de la Madone des Fontaines, à La Brigue). Selon les époques, ou les commanditaires, on va donc trouver à droite de la Vierge les gens d'Eglise (pape, évèques, clercs), ou les Pénitents (dans le relief de la chapelle Sainte-Croix), et à gauche les laïcs (Empereur, rois, princes, etc...). Parfois, les Pénitents monopolisent les deux côtés, symétriquement (parchemin de 1604, sacristrie de la chapelle de la Miséricorde). Autre caractéristique : la Vierge de Miséricorde est souvent représentée avec un ventre proéminent de femme enceinte. C'est une allusion à sa maternité future, à la présence du Christ, à travers elle, parmi les hommes. |