PRIX VÉRITÉ LE CANNET - À l’écart de l’atmosphère feutrée des salons et festivals littéraires parisiens, le « Prix Vérité » vient de célébrer ses 20 ans. Preuve étant ainsi faite qu’il est possible d’instaurer sur la Côte d’Azur, en l’occurrence au Cannet près de Nice et Cannes, un rendez-vous littéraire destiné au grand public et de qualité. Initié en 1986 par Michèle Tabarot, maire du Cannet, ce prix récompense chaque année un ouvrage relatant un événement contemporain fondé sur un ou plusieurs faits vécus. C’est un jury composé de journalistes et d’écrivains qui décerne le Prix Vérité. Notre tâche n’est pas toujours facile. Et souvent il s’avère délicat de trancher parmi des témoignages poignants liés à l’actualité. En 1986, le 1er Prix fut décerné à « La Cité de la joie » pour le récit de Dominique Lapierre sur la misère des bidonvilles en Inde. Un document émouvant sur ces hommes et ces femmes qui parviennent à surmonter leur souffrance et leur malheur.La plupart des ouvrages primés, en effet, relatent des combats. Combat contre la captivité de Béatrice Saubin qui a signé « L’épreuve » où elle racontait ses dix années de prison en Malaisie, condamnée pour un faux trafic de drogue. Béatrice Saubin venait chaque année au Cannet, malheureusement, elle est récemment décédée, comme l'a précisé avec émotion Michèle Tabarot. Durant ces vingt années le jury a honoré de nombreux témoignages de souffrance, celle des enfants-soldats dans le livre d’Alain Louyot « Gosses de guerre » par exemple. Des récits d’épreuves mais également de courage et d’espoir.L’occasion de rendre hommage à des femmes d’exception pour leur action : Somaly Mam qui lutte contre la prostitution au Cambodge, Marianne Pearl qui dénonce l’intégrisme après l’assassinat de son mari. Et Elisabeth Borrel, lauréate 2006, déterminée à faire la lumière sur l’assassinat de son époux, magistrat à Djibouti. Reçue en juin par le président de la république, elle confiait, samedi, qu’en un an la recherche de la vérité avait progressé.Parmi ces femmes, il convient de saluer le courage, hors du commun, de la journaliste libanaise May Chidiac dans l’épreuve qu’elle surmonte chaque jour. Sa force de vie, sa détermination à exercer, envers et contre tout, son métier force l’admiration et justifie pleinement qu’elle ait été sacrée Prix Vérité 2007 pour son ouvrage « Le ciel m’attendra » (écrit avec Amal Moghaizel. Édition Florent Masso et sorti chez J’ai lu). Le jury a consacré la farouche volonté de cette présentatrice du journal télévisé et animatrice d’une des émissions d’actualité les plus populaires du Liban qui a été victime d’un attentat. Ce jour-là, le 25 septembre 2005, à Jounieh au Nord de Beyrouth, sa vie a basculé : « J’ouvre la portière, je m’installe sur le siège du conducteur. Je me retourne à moitié pour déposer les bougies que j’ai rapportées de mon pèlerinage. Soudain tout bascule autour de moi. C’est rare d’assister à sa propre mort ». Amputée d’un bras et d’une jambe, opérée à vingt-six reprises, elle a suivi plusieurs mois de rééducation en France avant de rentrer dans son pays, le 11 juillet 2006. Elle y fut accueillie comme une martyre, une héroïne.La présence de May Chidiac a provoqué une émotion perceptible dans la vaste salle de la Palestre. La journaliste a rappelé qu’elle avait été victime d’un attentat pour avoir osé défendre l’indépendance de son pays contre la mainmise syrienne tout en révélant des éléments de l’enquête sur l’assassinat du premier ministre Rafic Hariri et sur les douze attentats qui ont suivi. Grandie par l’épreuve, celle qui s’est promis d’être « la voix des martyrs de la liberté » présente à nouveau le journal télévisé, anime des émissions politiques.Une autre femme qui se bat toujours contre la captivité, a obtenu le prix spécial du jury ex-aequo : il s’agit Ingrid Betancourt pour « La rage au cœur » (Édition XO, écrit avec Lionel Duroy). Ce livre relate l’engagement de cette femme élue députée, puis sénateur en Colombie avec le meilleur score du pays qui se préparait pour les élections présidentielles lorsqu’elle fut enlevée le 23 février 2002 par les guérilleros FARC. Les récentes images vidéos de l’otage renforcent l’espoir. Le prix spécial du jury a été également attribué au pédopsychiatre Marcel Rufo « La vie en désordre » (ed A. Carrière) : un captivant voyage en adolescence.Paul BarelliLe Petit Niçois